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Daniel : une lumière à Babylone

1 Pierre 3:19 : prêcher aux «esprits en prison» (1re partie)

17 Juillet 2017 , Rédigé par Misha Publié dans #Immortalité

Dans un ouvrage d’édification récent intitulé Les mystères de la vie éternelle, Toutes vos questions sur l'au-delà, Jean-Marc Bot, un auteur catholique, explique ce qui lui paraît le bien-fondé spirituel et théologique de la supposée descente aux enfers du Christ après son décès sur la croix. Or il est de bon ton désormais dans l’Église catholique d’émailler ses dires de citations bibliques, afin de séduire les « frères séparés » (sic) protestants et de les ramener au bercail romain papal. Aussi l’auteur tente d’illustrer les dires du credo catholique sur la descente du Christ aux enfers au moyen de passages bibliques sélectionnés et interprétés à cet effet. Écoutons-le.

En parlant de la descente aux enfers, le Credo nous renvoie à la situation d’avant Jésus-Christ, dans laquelle les peuples anciens ne parvenaient pas à concevoir clairement ce qui se passait après la mort. C’est au Ressuscité que nous devons la révélation décisive sur l’au-delà et le changement de régime du séjour des morts. Le Christ est venu, avec la tendresse de notre Dieu, visiter le monde comme l’astre d’en haut «pour illuminer ceux qui habitent les ténèbres et l’ombre de la mort7». Sans cette lumière, l’ombre projetée par la mort s’étend sur ses deux versants : en deçà et au-delà. Les hommes sont collectivement enfermés dans les conséquences de la faute, puisque «tous les hommes ont péché, ils sont privés de la gloire de Dieu8 . Ce statut collectif de l’humanité peut être symbolisé par l’image d’un fleuve, infranchissable tant qu’il n’existe aucun pont pour passer d’une rive à l’autre. Même si la grâce du salut est déjà offerte dans ce temps de l’attente, comme une sorte de ticket pour le pont futur, tout le monde se trouve provisoirement logé à la même enseigne, avec ou sans ticket. Il sera réservé au Verbe incarné de construire le pont, de l’inaugurer et d’ouvrir toutes grandes les portes du ciel en devenant «le premier-né d’entre les morts9». «Il fallait qu’il obtînt en tout la primauté», ajoute saint Paul, car lui seul était capable de dessiner l’accolade entre ciel et terre. Lui seul pouvait remplir la vie terrestre d’un contenu d’éternité et lui permettre ainsi de mûrir pour qu’elle accède finalement au bonheur divin.

Le dogme de la descente aux enfers présuppose donc l’affirmation suivante : tous ceux qui ont vécu avant cet événement salutaire ont été soumis après leur mort à la condition commune du séjour des morts. Ils y ont vécu comme «des esprits en prison 10», des âmes privées de la vision béatifique et retenues dans les ténèbres jusqu’à l’arrivée du Rédempteur. Des plus saintes aux plus dépravées, ces personnes ont subi le pouvoir global de l’enfermement, en dehors de toute participation à la gloire divine. On comprend alors cette définition de l’œuvre du Christ donnée par l’épître aux Hébreux :

«Puisque les enfants des hommes ont en commun le sang et la chair, Jésus a partagé, lui aussi, pareille condition : ainsi, par sa mort, il a pu réduire à l’impuissance celui qui possédait le pouvoir de la mort, c’est-à-dire le diable, et il a rendu libres tous ceux qui, par crainte de la mort, passaient toute leur vie dans une situation d’esclaves 11.»

7. Lc 1,78-79.  8. Rm 3,23.  9. Col 1,18.  10. 1 P. 3,18.  11. He 2,14-15.

Extrait de Jean-Marc BOT, Les mystères de la vie éternelle, Toutes vos questions sur l'au-delà..., éditions Artège, 2017.

 

Cet extrait des Mystères de la vie éternelle de Jean-Marc Bot nous livre plusieurs indices de l’incompatibilité profonde et irréductible qui existe en la foi romaine et la foi de la Bible. La foi romaine est un syncrétisme entre une forme de christianisme occidental et la foi universelle panthéiste-animiste, tandis que la foi biblique reste fidèle à l’unité indivisible de l’être humain et à l’unicité du Créateur.

  • Le dernier texte biblique cité par l’auteur, Hébreux 2.14-15, contredit d’emblée le crédo catholique sur le sujet de la descente aux enfers. En effet, ce n’est pas en promenant son âme immortelle dans le séjour des morts que Christ à vaincu le pouvoir de la mort, mais c’est en participant « au sang et à la chair ». Christ nous a délivrés, nous, les esclaves de « la peur de la mort » (2.15), en portant notre sang et notre chair, notre nature humaine déchue, et en la crucifiant. Ainsi la délivrance de notre mal est venue de cette mise à mort particulière et non du voyage supposé de l’âme du Christ après son décès. De plus, le texte d’Hébreux 2.14-15 oppose clairement la mort à la vie. Paul parle bien de la crainte de la mort qui empoisonne notre vie présente et la vie de ceux qui « passaient toute leur VIE » (et non toute leur mort) « dans une situation d’esclaves ». Le texte grec est intéressant ici : plutôt que d’employer le substantif « vie » (ζωή), courant dans le NT, il emploie l’infinitif du verbe « vivre » ζάω. Cet hébraïsme évident souligne que la « vie » dont parle Paul est bien une action, un vécu, une existence et non une essence ou un principe vital. Ce verset ne parle donc pas des défunts, mais des vivants. « Ils y ont vécu », écrit Jean-Marc Bot pour parler des défunts dans le séjour des morts. Mais on ne peut pas « vivre » dans le séjour des morts ! Si on vit, on n’est pas mort et réciproquement. C’est du bon sens. Dans toute la Bible, la mort est clairement l’opposé de la vie, l’ennemi irréductible et irréconciliable. On ne peut pas en même temps parler d’état conscient de l’âme après la mort et se réjouir, comme le fait Paul dans Hébreux 2.14-15, de la victoire remportée par le Christ sur la mort. C’est tout simplement incohérent et inimaginable pour les écrivains bibliques et la plupart de leurs destinataires, dont les mentalités ont été forgées dans le monisme biblique, un phénomène culturel analysé autrefois par le bibliste hébraïsant catholique Claude Tresmontant.
  • L’allusion au titre donné à Jésus dans Colossiens 1.18 (le premier-né d’entre les morts) est mal à propos pour parler de la survie supposée de l’âme du Christ pendant sa mort. En effet, Paul fait clairement allusion ici à la Résurrection, une résurrection parfaitement corporelle, comme de juste, comme en témoignent les évangiles (Luc 24.39). Ce qui n’empêche pas Jean-Marc Bot de citer la lettre aux Colossiens jusqu’au bout : «Il fallait qu’il obtînt en tout la primauté». Ah bon ? Et la primauté de Pierre alors ?? Si Pierre possède une primauté dans l’Église, comme le veut la tradition catholique romaine, alors Jésus ne pourrait pas avoir « en tout la primauté » dans cette Église. Dans ce cas, non seulement saint Paul serait dans l’erreur en écrivant aux Colossiens, mais Pierre pourrait être considéré comme un co-rédempteur ! On régresserait alors clairement dans le polythéisme, comme c’est déjà le cas à cause du culte rendu indûment à Marie.
  • « Ceux qui habitent les ténèbres et l’ombre de la mort » (Luc 1.79) sont bien des humains vivants et non décédés, comme l’indique sans ambiguïté le contexte immédiat de Luc et celui du passage parallèle de Matthieu 4.16. Le texte de l’Ancien Testament à l’origine de cette expression annonce la prédication de l’évangile aux Galiléens : bien vivants dans les récits des évangiles ! Cette source vétérotestamentaire de l’évangéliste Luc va évidemment dans le même sens, conformément au monisme biblique : les « habitants des ténèbres » mentionnés par Luc sont de vrais habitants des pays « de Zabulon et de Nephtali », et non des habitants du séjour des morts (Ésaïe 9.1-2). Ce sont des populations en chair et en os et pas des zombies ! Donc l’auteur des Mystères de la vie éternelle cite ici l’évangile de Luc de façon hors contexte et inappropriée. D’un point de vue méthodologique, l’auteur ne fait pas mieux, à cet endroit précis, qu’une dénomination évangélique qui prétend justifier ses croyances uniquement sur la Bible alors qu’elle suit d’abord ses propres préférences doctrinales. Bien entendu, ne nous méprenons pas, contrairement à ce que voudrait faire un théologien évangélique, l’auteur catholique Jean-Marc Bot n’a pas du tout la prétention de fonder son crédo sur la Bible seule, évidemment. Cependant, pour un lecteur protestant peu attentif ou peu critique, il peut donner l’impression de le faire, ce qui n’est pas tout à fait honnête.


Le syncrétisme tenté par Rome entre le panthéisme-animisme universel et le judéo-christianisme apparaît en filigrane dans les propos de l’auteur notamment quand il parle de « murissement » de la vie terrestre qui doit lui permettre « d’accéder finalement au bonheur divin ». Cette pensée, bien que pouvant se prévaloir de certaines promesses bibliques, n’est pas fondamentalement différente du bouddhisme, par exemple. Car, placée dans le cadre d’une approche ontologique, cette idée de murissement se dénature et dénature le message biblique pour le faire régresser dans la pensée animiste universelle. En effet, l’éternité devient quelque chose que nous possédons déjà par nature, comme Dieu, et qu’il suffit de laisser mûrir. Au contraire, dans la pensée imagée propre à la littérature hébraïque biblique, l’éternité est un cadeau, extérieur à l’humanité, accordé par le Créateur, sous conditions. L’éternité, pour l’être humain, consiste en un rétablissement d’une relation directe avec Dieu, de façon stable, une relation disons-nous et non une fusion. Pour la Bible, le but de l’existence n’est donc pas de s’élever au même niveau que Dieu : cela c’est le message du serpent dans le jardin d’Éden, c’est la pensée de Lucifer (cf. Ézéchiel 28 et Ésaïe 14). Non, le « murissement » de l’âme, selon la pensée hébraïque biblique, ne peut-être que le murissement de la pensée, de la réflexion, du psychisme, de la volonté, de l’esprit. Ce murissement, appelé aussi sanctification, est indispensable pour « accéder au bonheur divin ». Mais ce bonheur consiste à développer un caractère (et non un être) semblable à celui de Dieu. Il s’agit de devenir participant de la nature divine*, et non identifié à la nature divine. Dieu veut ainsi nous rendre aptes, spirituellement, à vivre heureux auprès de lui pour toujours. C’est là un objectif spirituel très élevé qui ne peut se réaliser sans notre parfaite collaboration, ici et maintenant, pendant que nous sommes vivants, pendant que nous sommes dans cette chair déchue, affaiblie par la dégradation causée par la chute d’Adam et Ève. Ensuite, une fois cette restauration effectuée dans notre esprit, la restauration de notre corps et son maintien en vie, en bon fonctionnement, éternellement, le changement de notre « corps terrestre » en « corps céleste » (1 Corinthiens 15.40) ne sera qu’un jeu d’enfant pour le Créateur, qui a conçu et réalisé notre ADN et chacun de nos types de cellules vivantes.     * 2 Pierre 1.4.
Comme l’explique si bien saint Paul en 1 Corinthiens 15.39-49, dans la vie éternelle, nous « porterons l’image » du céleste. Nous nous contenterons de la porter seulement (grec phoreo) plutôt que de la posséder, et ce que nous porterons sera bien une image (grec eikon) du céleste, un reflet de Dieu, et non l’essence du céleste, et non la nature immortelle de Dieu. Comme nous avons été de dignes fils et filles d’Adam, mortels, par nature, âme comprise, nous serons de dignes fils et filles de Jésus, immortels, par adoption et non par nature.
Cette réflexion catholique de Jean-Marc Bot sur la maturation de l’âme pourrait cependant avoir de la pertinence spirituelle, si elle concernait notre caractère, notre psychisme, qui ne peut exister sans le secours d’un cerveau. Mais, appliquée à notre être pour dissocier l’âme du corps, cette réflexion devient satanique, à l’exemple des propos du serpent dans le jardin d’Éden qui contredisent les propos de Dieu lui-même. Dieu dit en effet « le jour où tu en mangeras, tu mourras de mort » (Genèse 2.17, Martin). Il ne dit pas « tu changeras d’état, ou tu perdras ton corps », mais bien « tu cesseras d’exister ». Attention ! prévient Dieu, il y a un terrible danger autour de cet arbre, un danger vraiment mortel ! Mais le serpent intervient et dit le contraire : « vous ne mourrez pas du tout, mais vous deviendrez comme Dieu » (Genèse 3.4), car vous êtes ou vous pouvez devenir des immortels par nature.
Alors qui croire, Dieu ou le serpent ? L’être humain possède-t-il en lui-même l’immortalité, oui ou non ? Pour l’Église catholique romaine il faut croire le serpent, apparemment, puisque l’âme est impérissable par nature. Pour la Bible, c’est Dieu qui a raison : le serpent est un menteur diabolique et l’âme peut mourir « de mort », c’est-à-dire soit tomber dans l’inconscience du sommeil de la mort, soit être anéantie définitivement au jugement dernier. « L’âme qui pèche, c’est celle-là qui mourra. » (Ézéchiel 18.4, Martin) Elle ne sera pas torturée éternellement, elle mourra, elle cessera d’exister. Heureuse nouvelle quelque part !
La Bible est un rare exemple de bon sens quasi-scientifique sur ce sujet dans l’Antiquité. Voir les écrits de Salomon sur ce sujet (Ecclésiaste 9.5-6 ; Ecclésiaste 9.10). La « condition commune du séjour des morts », pour emprunter les mots de Jean-Marc Bot, est celle du silence, de l’oubli, de l’inconscience : Psaume 6.6 ; Psaume 115.17. Dans la Bible, un cadavre est un cadavre : un être humain qui a cessé, temporairement ou non, d’exister. Comme le disait Salomon : « Même un chien vivant vaut mieux qu'un lion mort. » (Ecclésiaste 9.4) Pourtant le chien ne semble pas un animal très estimé dans la culture hébraïque.
Sur la mortalité de l’âme et l’unité indivisible de l’être humain, dans la conception hébraïque biblique, voir aussi notre série d’articles intitulée La croyance en l’immortalité de l’âme : une alliance dangereuse avec la mort et un déni de la Vie éternelle.
 
Nous n’allons pas nous attarder davantage sur les contradictions évidentes qui existent entre les livres de la Bible et le dogme romain de l’immortalité de l’âme. Concentrons-nous à présent sur le seul texte qui pourrait être interprété de façon à soutenir le dogme catholique romain de la descente de l’âme du Christ aux enfers, pendant les quelques 36 heures qu’a duré sa mort (du vendredi soir au dimanche matin). Il s’agit du texte de 1 Pierre 3.18-20, dont une partie est utilisée par l’auteur catholique romain Jean-Marc Bot dans Les mystères de la vie éternelle pour appuyer ce point du Crédo.
 
A suivre

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