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Daniel 12.1 — En ce temps-là se dressera Michel[1], le grand Prince, lui qui se tient auprès des fils de ton peuple. Ce sera un temps d’angoisse tel qu’il n’en est pas advenu depuis qu’il existe une nation jusqu’à ce temps-là. En ce temps-là[2], ton peuple en réchappera, quiconque se trouvera inscrit dans le Livre.
Micaël est le Messie lui-même, le représentant visible du Créateur, le « Fils de Dieu » mentionné par le Psaume 2. En Daniel 11.2, nous apprenions que trois rois devaient encore « se lever » en Perse. Le même verbe, en hébreu, est employé ici à propos de Micaël[3]. Sa royauté était déjà reconnue par le gouvernement céleste, elle va s’imposer à présent sur la Terre. Il était déjà notre « Souverain pontife » — c’est-à-dire le « pont » entre le Ciel et nous —, il va devenir maintenant notre Souverain tout court.
Il cesse donc, à ce moment-là, de travailler au salut des être humains égarés ou révoltés ; et il s’impose en tant que conquérant de ses ennemis et protecteur de ses fidèles. Attendre que le « roi » du chapitre 11 « arrive à sa fin » pour prendre au sérieux le Grand-Prêtre céleste c’est attendre trop longtemps. Il sera en effet trop tard alors pour bénéficier de la miséricorde divine. La porte, si longtemps ouverte, sera fermée, définitivement.
De l’autre côté, sur la Terre, le barrage si longtemps opposé par l’Esprit de Dieu au flot du mal disparaîtra soudain. On mesurera alors à quel point l’Esprit divin protégeait les hommes contre leur propre violence. Le monde sera stupéfait en assistant à cette explosion de rébellion si longtemps contenue. Certes ce sera « un temps de détresse » sans précédent. Parfois aujourd’hui nous voyons, à échelle réduite, de quelles horreurs l’humanité est capable quand elle repousse l’Esprit du Créateur. Mais, quand la porte du Saint des saints sera fermée, cette folie gagnera le monde entier. Les incrédules seront livrés à leur propres envies, sans limitations.
Cependant il subsiste un espoir : « ton peuple échappera ». « Ton peuple » ici désigne le peuple de Yahveh, tous ceux qui l’adorent avec la même fidélité que Daniel. Selon l’apôtre Jean, ces croyants sont de toute origine géographique et culturelle (Apocalypse 14.6). Ils ont dit oui à l’amour dévoué du Messie qui les a cherchés et rassemblés en lui. « Il n’y a plus ni Juif, ni Grec, il n’y a plus ni esclave, ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme : car tous, vous êtes réunis en Jésus le Messie. Et si vous faites partie du Messie, vous êtes la semence d’Abraham, héritiers selon la promesse. » (Galates 3.28-29, traduction libre).
Leurs noms restent donc gravés « dans le livre », « le livre de vie de l’Agneau » (Apocalypse 13.8). Seuls ceux dont les noms y figurent reçoivent la vie éternelle. Dans ses visions, Jean apprend que toute personne non enregistrée dans ce livre subira la mort éternelle (Apocalypse 20.15). Dans l’Apocalypse, Jésus nous précise que des noms peuvent être effacés du livre de vie. Il ne suffit pas de « croire », il faut garder cette foi, même au prix de combats spirituels : « Ainsi le vainqueur portera-t-il des vêtements blancs ; je n’effacerai pas son nom du livre de vie, et j’en répondrai devant mon Père et devant ses anges. » (Apocalypse 3.5, cf. 22.19) Le jour où nous entendrons le Messie prononcer notre nom devant le trône céleste et assurer qu’il répond de nous, nous serons les êtres vivants les plus heureux de l’univers.
Il est possible d’effacer des noms du livre de vie. Prenons quelques exemples bibliques. Le cas de Judas Iscariote est le plus connu. Au lieu de surmonter sa passion pour le pouvoir et l’argent, il permit à cette tendance de le dominer. Il trahit le Fils de Dieu pour trente pièces d’argent. Quand il se rendit compte de son erreur, sa faute lui parut trop écrasante et il se suicida au lieu de se repentir. Saül, le premier roi d’Israël, était parfois sensible à l’Esprit divin (voir 1 Samuel 10.6 ; 19.23-24). Mais il permit à la jalousie et la haine pour David de le dominer et n’accepta pas la sentence du Tout-Puissant, qui voulait mettre fin à son règne. Il mourut misérablement, désespéré et battu par ses ennemis. Koré, Dathan et Abiram (Nombres 16), trois chefs hébreux éminents, se révoltèrent contre l’autorité de Moïse et furent anéantis. Ces récits sont pavenus jusqu’à nous afin de nous éviter l’obstination dans les mêmes travers, particulièrement en ces temps de la fin (1 Corinthiens 10.11).
Le sort de chaque croyant doit être fixé avant la fin du Yom Kippour tenu dans le temple céleste par le Messie. Ce service, on le sait, correspond à un jugement (voir Daniel 7 et 8). Jésus le confirme dans l’Apocalypse : « Je viens bientôt, et j’apporte avec moi ma récompense, pour rendre à chacun selon son œuvre. » (22.12) L’auguste assemblée entrevue par Daniel, au chapitre 7, examine attentivement « l’œuvre », la vie, de chaque croyant. Dès que ce jugement est achevé, Micaël peut se lever et venir prendre possession de son royaume. Chacun doit auparavant choisir son camp.
Le jugement, qui précède la venue de Micaël, concerne des personnes défuntes. Jésus y fait allusion quand il parle de « ceux qui seront jugés dignes de parvenir à la résurrection d’entre les morts, pour faire partie du monde à venir » (Luc 20.35, Parole de Vie). Mais le jugement concerne aussi des personnes encore en vie au moment où Micaël se lève. En effet, plus loin, Jésus parlant de l’époque de son retour recommande : « Tenez-vous donc en éveil et priez, sans vous relâcher, pour que Dieu vous donne la force d’échapper à tous ces malheurs futurs et pour que vous puissiez vous présenter debout avec assurance en présence du Fils de l’homme. » (Luc 21.36, Parole de Vie) Ces dernières personnes, dont vous ferez peut-être partie, seront changées instantanément, sans passer par la mort (cf. 1 Corinthiens 15.51-55).
Veiller et prier, ne pas se relâcher, voilà une attitude cohérente avec l’esprit du Yom Kippour. Voilà une attitude qui sied à des croyants fidèles, jugés certes, mais défendus efficacement devant le tribunal céleste par un « Fils d’homme » (Daniel 7.13), titre que Jésus s’attribuait volontiers (cf Ézéchiel 1.26). Ce jugement, rappelons-le, a débuté en 1844, à l’issue des 2 300 jours de la prophétie de Daniel 8. Nous avons vu au chapitre 8 qu’il existe plusieurs sortes de livres dans l’administration céleste. Nos paroles, nos actes, nos plus secrètes pensées y sont fidèlement consignés[4] et seront impartialement examinés par les êtres célestes. Heureusement, l’aveu et le repentir permettent d’effacer les parties les plus sombres de notre existence. Il faut effacer quelque chose des registres célestes : soit nos noms, soit nos péchés. Nos noms risquent d’être effacés si nous refusons la victoire sur nos mauvais penchants, victoire que le Messie souhaite ardemment nous communiquer.
L’apôtre Pierre l’exprime ainsi : « Changez donc radicalement, faites demi-tour, pour que vos péchés soient effacés ; qu’ainsi des temps de réconfort viennent du Seigneur, et qu’il envoie le Christ (le Messie) qui vous a été destiné, Jésus (Micaël). » (Actes 3.19) Salomon le savait : « Qui cache ses fautes ne réussira pas, qui les avoue et y renonce obtiendra miséricorde. » (Proverbes 28.13). Dans le sacrifice du Messie, « la fidélité et la loyauté se rencontrent, la justice et la paix s’embrassent » (Psaume 85.10). Si le sang des béliers et des boucs ne pouvait réellement effacer le péché, la vie du « Fils de l’homme » le peut. Son sacrifice efface les péchés de deux façons : d’abord, en tant que Créateur, il fournit en sa propre personne un substitut aux coupables tout à fait valable pour la loi ; ensuite il révèle jusqu’où l’amour divin peut aller, ce qui nous bouleverse et nous motive pour ne plus pécher. David l’avait bien senti : il fallait que son cœur change (voir Psaume 51.1-2). Jean-Baptiste, un nouvel Élie selon Jésus, l’avait reconnu : l’Agneau de Dieu « ôte le péché du monde » (Jean 1.29) ; il s’agit aussi de l’ôter du cœur humain.
Cet ouvrage, le Messie en a posé la pierre angulaire (voir Daniel 9.24) ; c’est le Messie qui l’achève également, lors du Jour du grand pardon céleste, en ce moment même. Rien ne serait possible sans le sacrifice du Messie. Cette oblation inimaginable produit un tel effet sur l’esprit de ses fidèles que tout goût pour le mal est effacé de leur cœur, dès à présent. L’effacement de leurs péchés des registres célestes prend alors, et alors seulement, tout son sens pour l’univers.
Voici ceux qui seront jugés dignes d’entrer dans l’éternité avec le Messie : « Ils suivent l’agneau partout où il va. Ils ont été rachetés d’entre les hommes comme prémices pour Dieu et pour l’agneau, et dans leur bouche ne s’est point trouvé de mensonge : ils sont irréprochables[5]. » (Apocalypse 14.45) Le Messie s’est sacrifié afin de rendre ce miracle possible.
Daniel 12.2 — Une multitude, qui dort au pays de la poussière, se réveillera : les uns pour la vie éternelle et les autres pour le déshonneur, pour une horreur[6] éternelle.
Le Nouveau Testament distingue également deux sortes de résurrection, et il précise leurs moments respectifs. La première, celle des croyants, a lieu à la venue du Messie Jésus (Jean 5.28-29 ; 1 Thessaloniciens 4.16-17). La seconde, celle des incroyants a lieu à la fin des mille ans de l’Apocalypse (20.5-8). Mais ici, l’ange indique une résurrection spéciale, qui survient en même temps que la première, et à laquelle l’Apocalypse fait aussi allusion (1.7). Nous y apprenons en effet que plusieurs personnes ayant participé à la crucifixion du Messie, il y a deux mille ans, le verront revenir en gloire sur les nuées célestes. Jésus lui-même a promis au Grand-Prêtre qui l’a condamné, Caïphe, qu’il le verrait glorifié (Matthieu 26.64) et Jésus tient ses promesses. Les chefs religieux rebelles à l’esprit de Dieu de l’époque assisteront donc au retour de celui qu’ils jalousaient tant. Le Tout-Puissant n’imposera aucune torture physique particulière aux réprouvés[7]. Sa seule présence, empreinte de bonté et de majesté, leur sera insupportable.
Daniel 12.3-4 — Ceux qui auront eu du discernement[8] brilleront comme brille la voûte céleste — ceux qui auront amené la multitude à la justice[9], comme des étoiles, pour toujours, à jamais. 4Quant à toi, Daniel, tiens secrètes ces paroles et scelle le livre jusqu’au temps de la fin. Une multitude alors cherchera[10], et la connaissance augmentera.
Il n’est pas toujours facile d’avoir du discernement ou d’être « sages » (Darby) dans le monde actuel, car la perspicacité spirituelle peut déranger. On peut perdre des amis, des biens, des facilités, du confort. La compagnie du Messie nous amène à partager, dans une certaine mesure, le scandale, la solitude et les difficultés qu’il a lui-même affrontés. C’est le prix à payer pour amener « la multitude dans le droit chemin » (Colbo). Ceux qui consacrent leur temps au salut d’autrui recevront une récompense incomparable : la joie de rencontrer dans l’éternité des personnes qui les remercieront de les avoir aidés au bon moment.
Satan, l’adversaire du gouvernement céleste, essaye constamment de nous effrayer, de nous décourager, ou nous de plonger dans la confusion. Il présente à notre esprit l’observation des commandements, du shabbat en particulier, comme un choix trop coûteux, surtout si notre entourage ne partage pas nos convictions. En réalité, si nous choisissons de rester fidèles à Yahveh et à son Messie, nous sommes largement gagnants. Nous pouvons perdre des revenus, notre emploi, des amis, voire même des proches. Mais notre héritage céleste, matériel et relationnel, est largement supérieur. Il est impérissable, il brille de mille feux à l’image de la voûte étoilée.
Nhésitons donc pas à nous engager au côté du Messie pour l’aider, autant que nous le pouvons, à achever l’œuvre du Tout-Puissant sur la Terre. Ne nous épargnons aucune peine. « Le fruit du juste est un arbre de vie[11] ; celui qui gagne les cœurs[12] est un sage. » (Proverbes 11.30) Ce sont ces sages-là qui brilleront comme les étoiles pour toujours.
Le livre de Daniel devait rester fermé à la compréhension du public jusqu’au temps de la fin, soit jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Depuis lors, dans toutes les parties du monde, nombre de chercheurs et de croyants l’ont fouillé en tout sens. La connaissance de son message a considérablement augmenté ; il a suscité et suscite toujours un grand intérêt.
La progression dans la connaissance biblique s’est accompagné d’un essor sans précédent des connaissances scientifiques. Ainsi le Tout-Puissant a préparé le terrain pour la réception de son message final à l’humanité. Non seulement la connaissance est plus grande, mais la communication de cette connaissance est plus rapide. Personne n’échappe à ce qu’un journaliste a appelé « l’explosion de l’information ». La rapidité avec laquelle les êtres humains peuvent communiquer entre eux aujourd’hui, tout autour du globe, aurait été impensable il y a seulement quelques générations. Et toute cette haute technologie est apparue en quelques années seulement, après 6 000 ans environ de civilisations humaines !
Daniel 12.5-7 — Moi, Daniel, je continuai à regarder et je vis deux autres (personnages) qui se tenaient là, chacun sur une rive du fleuve. 6L’un d’eux demanda à l’homme vêtu de lin[13] qui se tenait au-dessus des eaux du fleuve : Quand donc viendra la fin de ces choses inouïes ? 7Alors l’homme vêtu de lin qui se tenait au-dessus des eaux du fleuve leva sa main droite et sa main gauche vers le ciel et je l’entendis déclarer : « Je le jure par celui qui vit à jamais : ce sera dans un temps, deux temps et la moitié d’un temps. Quand la force du peuple saint sera entièrement brisée, alors toutes ces choses s’accompliront. » (Semeur)
Comme au chapitre 8, Daniel écoute une conversation entre deux êtres célestes, et comme au chapitre 7, la même sentence prophétique tombe : « un temps, des temps et la moitié d’un temps », soit trois ans et demi, ou 1 260 jours-années (voir Daniel 7.25). Pendant ces longs siècles, le destructeur des fidèles du Créateur a été très actif. Entre la fin de sa suprématie et le moment où « tout cela s’achèvera », il doit s’écouler un temps relativement court, mais qui dépend de « la force du peuple du sanctuaire »[14]. Comme l’exprime avec justesse la version de Jérusalem : « et toutes ces choses s’achèveront quand sera achevé l’écrasement de la force du Peuple saint. » On attendrait plutôt des fidèles des prouesses de résistance, afin de hâter le dénouement final. Mais non, c’est ici l’inverse : leur « force » semble un obstacle pour le ciel !
Le mot traduit par « force », yad, signifie « main » et, par extension, « force, capacité, autorité » ; il peut désigner la personne tout entière. Cette « force » doit être « écrasée », plus littéralement « réduite en poussière », la racine correspondante, naphats, étant utilisée ici au mode intensif[15]. En voici d’ailleurs une utilisation semblable : « C’est ainsi que sera effacé le crime de Jacob, et tel sera le fruit du pardon de son péché : il traitera toutes les pierres des autels comme la pierre à chaux qu’on pulvérise, les poteaux sacrés et les emblèmes du soleil ne se dresseront plus. » (Ésaïe 27.9) Y aurait-il des semences d’idolâtrie à pulvériser parmi les fidèles du Créateur, quelque secrète résistance qui ferait obstacle à l’achèvement du Yom Kippour céleste ?
Dans l’Apocalypse de Jean, on voit un personnage imposant prononcer un serment semblable à celui de l’homme vêtu de lin : « Je vis un autre ange puissant qui descendait du ciel. Il était vêtu d’une nuée, une gloire nimbait son front, son visage était comme le soleil, et ses pieds comme des colonnes de feu. Il tenait dans la main un petit livre ouvert[16]. Il posa le pied droit sur la mer, le pied gauche sur la terre. (…) Et l’ange que j’avais vu debout sur la mer et sur la terre leva la main droite vers le ciel et jura, par celui qui vit pour les siècles des siècles, qui a créé le ciel et ce qui s’y trouve, la terre et ce qui s’y trouve, la mer et ce qui s’y trouve : “Il n’y aura plus de délai. Mais aux jours où l’on entendra le septième ange, quand il commencera de sonner de sa trompette, alors sera l’accomplissement du mystère de Dieu, comme il en fit l’annonce à ses serviteurs les prophètes.” » (Apocalypse 10.1-7) Pas de doute, c’est le même Seigneur qui parle à travers ces deux livres.
Daniel 12.8-10 — J’entendis mais ne compris pas et je dis : « Monseigneur, quel sera le terme de ces choses ? » 9Il dit : « Va, Daniel, car ces paroles sont tenues secrètes et scellées jusqu’au temps de la fin. 10Une multitude sera purifiée, blanchie et affinée. Les impies agiront avec impiété. Aucun impie ne comprendra, mais les gens réfléchis comprendront. »
Notre époque n’est pas facile à comprendre, même pour Daniel. Et il n’est pas le seul : « Ce salut (qui aboutit dans le Yom Kippour céleste), les prophètes qui ont parlé de la grâce qui vous était destinée en ont fait l’objet de leurs recherches et de leurs investigations. 11Ils se sont appliqués à découvrir quelle époque et quelles circonstances désignait l’Esprit du Christ (du Messie) qui était en eux, Esprit qui, d’avance, attestait les souffrances du Christ et la gloire qui s’ensuivrait. 12Il leur fut révélé que ce n’était pas pour eux-mêmes, mais pour vous, qu’ils étaient ministres de ces choses, qui maintenant vous ont été annoncées par l’entremise de ceux qui vous ont communiqué la bonne nouvelle, avec l’Esprit saint envoyé du ciel ; c’est en ces mêmes choses que les anges (dans le sanctuaire céleste) désirent plonger leurs regards. » (1 Pierre 1.10-12) Nous vivons une époque palpitante, que bien des générations précédentes ont souhaité voir. Même les anges, captivés, retiennent leur souffle !
Les « sages » sont les seuls à comprendre parce qu’ils veulent comprendre et faire comprendre aux autres. Ils sont heureux dans leurs recherches prophétiques, parce qu’ils « ont faim et soif de justice[17] », selon la célèbre expression du Messie Jésus. Qu’un profond sentiment de gratitude envers le Tout-Puissant remplisse notre être intérieur, car il a trouvé bon d’ouvrir ce livre à notre compréhension. Que nous puissions ainsi être « purifié, blanchis et affinés » !
Daniel 12.11 — Depuis le temps où sera interrompu le (sacrifice) perpétuel[18] et où sera dressée l’abomination du dévastateur, il y aura 1 290 jours. (Segond Colombe)
Vérifions une dernière fois avec l’ange Gabriel le fondement historique de ses déclarations ; réexaminons les piliers du pont prophétique qui nous mène de l’établissement de l’Occident chrétien juqu’à l’époque contemporaine. Pour la cohérence de l’interprétation en effet, ces 1 290 jours et la période de Daniel 7.25, identifiable aux 1 260 jours de l’Apocalypse, doivent se mesurer à la même échelle.
Comme nous l’avons montré au chapitre 8, le « perpétuel » ne correspond nullement ici aux sacrifices quotidiens du culte hébraïque. Il désigne au contraire la tendance continuelle à l’exaltation de soi, donc à la transgression de la loi, qui caractérise la nature humaine depuis la chute en Éden. Le besoin de se grandir, exprimé en hébreu par la répétition du terme gadal, habite par conséquent toute l’histoire des civilisations. Ce caractère répétitif, cyclique, du mal s’oppose à la pérennité, linéaire, de Micaël et de ses prophéties[19].
Nous avons vu, comment, par le biais du christianisme dévoyé, le paganisme avait été « sanctifié », « épuré » pour faire place au règne du « péché (ou « abomination ») qui désole » (8.13 ; 11.31), que nous retrouvons ici. Nous avons appris que la papauté avait fini par s’imposer sur la scène politique occidentale, grâce à l’appui de l’Empereur d’Orient et à la capitulation arienne en Italie, dans les années 530.
Cependant, en Occident, des événements clés, liés à la formation de l’Europe, ont préparé cette accession au pouvoir dans les années précédentes. Dans le texte hébreu, une lettre (lamed) suggère cette nuance que la Nouvelle Bible Segond rend ainsi : « Depuis le temps où le (sacrifice) constant sera supprimé, pour que soit établie l’horreur dévastatrice, il y aura 1 290 jours. » Avant que la papauté s’imposât comme la référence religieuse en Europe, l’opposition potentielle des tribus païennes et ariennes devait être « supprimée ».
En effet, à l’aube du VIe siècle, la force et l’hétérogénéïté de la culture européenne[20] aurait pu fort bien se transformer en obstacle politique sérieux pour l’Église de Rome. En Daniel 11.31, la prophétie a déjà évoqué la suppression de cet obstacle. A présent, on précise qu’à compter de cette suppression il va s’écouler 1 290 jours-années. Or le règne de la papauté en Europe est limité par la prophétie à 1 260 ans. Donc 30 ans avant le début des 1 260 ans, 30 ans avant l’établissement de « l’horreur dévastatrice[21] », le paganisme a déjà dû faire sa soumission. Cela nous amène au début des années 500, en 503, si l’on prend comme point de départ l’établissement « législatif » de la papauté, ou en 508 si l’on compte depuis son installation politique en Italie[22]. Dans les deux cas, la fin des 1 260 ans, et donc des 1 290 ans, est nettement marquée : 1793 pour la fin « législative » de l’autorité papale, 1798 pour sa mise à pied politique, manu militari. Dans les deux cas aussi, la fin du pouvoir papal est le fait de la France, « la fille aînée de l’Église ». De même, l’établissement de l’autorité papale au sein du paganisme européen est le fait du royaume des Francs et plus précisément de Clovis (465-511), qui sera appelé « le fils aîné de l’Église ».
La fin du Ve siècle connaît en effet des changements décisifs pour l’avenir de l’Europe. En 496, à Noël, Clovis embrasse la religion chrétienne. Cette profession de foi fait suite à sa victoire sur les redoutables Alamans, dont la capitale est à Cologne. En unissant le trône et l’Église, il « accomplit un acte politique de première importance et entre dans l’histoire comme le véritable fondateur de la monarchie française[23] ».
Homme de guerre, auteur de nombreux meurtres, Clovis impose immédiatement la nouvelle foi catholique par la force. Ses soldats l’accompagnent dans les eaux du baptêmes après une profession de foi superficielle, sans instruction ni conversion préalable. On est loin de l’esprit de l’humble et dévoué Messie de Nazareth qui « disait à tous : Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, qu’il se charge chaque jour de sa croix et qu’il me suive. » (Luc 9.23)
Après son baptême, Clovis se lance dans des guerres visant à réduire toute opposition à la foi catholique en Europe[24]. Dès 497, il remporte une victoire sur les Visigoths et tue leur roi. Mais Théodoric (454-526), roi des Ostrogoths d’Italie, tente d’unir les royaumes ariens en une « ligue de paix », pour conjurer la menace franque. Qui va régner sur l’ancien Empire d’Occident, les Francs ou les Goths, les catholiques ou les ariens ? En se rangeant du côté catholique, dès 496, Clovis s’est montré visionnaire. L’action diplomatique de Théodoric sera impuissante à empêcher la guerre : il est même possible qu’elle stimule Clovis à frapper rapidement avant qu’une coalition se forme contre lui.
La guerre est pourtant retardée, sans raisons apparentes, jusqu’en 507, au printemps, où Clovis entame les hostilités : il met fin au règne des Visigoths en Gaule. L’Empire d’Orient, jaloux du règne des Goths en Italie, lui rend alors hommage. En 508, à Tours, il reçoit de l’empereur Anastase la nomination de consul romain. Le titre est purement honorifique, mais, aux yeux des Gallo-Romains, il légitimise l’autorité de Clovis qui devient pour eux le délégué de l’empereur en Gaule. Clovis se montre alors au peuple vêtu de la tunique de pourpre et se fait même appeler Auguste.
Dans la deuxième moitié de l’année 508, Théodoric vient au secours des Visigoths et a le dessus sur Clovis, mais ses victoires restent limitées au Sud de la France[25]. Les conquêtes de Clovis, elles, sont durables : les royaumes des Goths occidentaux et des Burgondes restent soumis aux Francs. A partir de 508, la résistance arienne devient moins significative.
Clovis apparaît donc, dès 508, comme le nouveau maître de l’Europe et les Francs se positionnent en héritiers politiques de l’Empire romain. Il devient de plus en plus évident que la destinée de la Gaule et de l’Allemagne sera liée aux Francs et au catholicisme, et pas à l’arianisme. En Europe, le chemin s’ouvre devant l’autorité papale. On entrevoit alors l’hégémonie d’un système religieux fondé sur des rituels ayant des apparences pieuses mais reniant profondément ce qui fait la force de la foi (voir 2 Timothée 3.5). Ce système ne sera sérieusement ébranlé que 1 290 ans plus tard, en 1798.
Aujourd’hui encore des multitudes se contentent de troquer les superstitions d’antan pour un christianisme formel, vidé de sa substance. Une simple profession de foi est impuissante en effet face aux séductions du mal et à l’attrait de l’amour de soi, profondément enraciné dans le cœur humain. Jésus constatait déjà cet écueil des religions humaines quand il déplorait, en citant Ésaïe : « Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est très éloigné de moi. C’est en vain qu’ils me rendent un culte, eux qui enseignent comme doctrines des commandements humains. » (Matthieu 15.8-9)
Ce type de religion peut être fatale parce qu’elle insensibilise l’âme à ses besoins réels. Les célébrations et les sacrements de l’Église, en ces temps de la fin, donnent l’illusion au croyant qu’il n’a « besoin de rien » (voir Apocalypse 3.17).
Comme nombre de religieux du temps de Jésus, beaucoup de chrétiens aujourd’hui restent frappés d’aveuglement spirituels. Il leur faut apprendre à voir dans le Messie le seul sacrifice pour le péché et celui qui peut les mettre réellement en accord avec la loi divine. Dans le livre de Daniel, le Tout-Puissant lève un peu le rideau sur les agissements du « mystère du mal » (2 Thessaloniciens 2.7) afin de nous éclairer. Avec bonté, il nous avertit pour que nous apprenions à reconnaître la voix du véritable berger d’Israël.
Daniel 12.12-13 — Heureux celui qui attendra et qui arrivera jusqu’à 1 335 jours ! 13Et toi, marche jusqu’à la fin ; tu te reposeras et tu te lèveras pour recevoir ton lot à la fin des jours.
Puisque les 1 290 jours s’achèvent en 1798, les 1 335 jours s’achèvent en 1843, soit vers la fin des 2 300 jours de Daniel 8.14. Les croyants de cette époque qui étaient attentifs aux prophéties furent particulièrement heureux parce que, suite à une erreur d’interprétation de la prophétie de Daniel 8, ils attendirent le retour en gloire du Messie Jésus pour cette date. Un vaste et enthousiaste mouvement interconfessionel dit « de l’avent » ou « adventiste » s’était formé dans la décennie précédente, principalement aux États-Unis.
Cependant leur joyeuse attente ne fut pas inutile, car, suite à la déception, plusieurs réétudièrent les prophéties et comprirent qu’avant de revenir le Messie devait officier au Yom Kippour, ou jugement, céleste. L’annonce de ce jugement retentissait d’ailleurs dans l’Apocalypse de Jean (14.6-12).
Les croyants qui vivent depuis cette époque sont donc particulièrement bénis parce qu’il voient s’accomplir tout ce que les prophètes ont annoncé et désiré voir. Presque toutes les prophéties du livre de Daniel se sont accomplies, même la plus longue, celle des 2 300 jours-années. Nous pouvons d’ores et déjà nous réjouir à la perspective de voir bientôt Micaël venir avec les anges sur les nuées du ciel !
« Marche vers la fin », dit l’ange à Daniel. Daniel s’est endormi de son dernier sommeil et attend toujours dans sa tombe le réveil de la résurrection finale. « Tu te reposeras », lui dit Gabriel, puis « tu te lèveras pour recevoir ton lot, à la fin des jours ». La fin des jours est la fin des 2 300 jours, en 1844. Daniel n’a pas encore reçu son lot puisque la résurrection, annoncée au verset 2, n’a pas encore eu lieu. Mais ce lot doit lui être attribué dans le jugement céleste qui se tient depuis cette date, jugement où Yahveh « fera venir toute œuvre en jugement, pour tout ce qui est caché, que ce soit bien ou mal » (Ecclésiaste 12.14). Daniel reçoit donc l’assurance que son héritage céleste lui est réservé. Toute sa vie, il a reconnu ses fautes et a choisi de les délaisser. Toute sa vie, il a habité « là où se cache le Très-Haut » et passé « la nuit à l’ombre du Dieu-Souverain » (Psaume 91.1). Comme un branche de vigne se nourrit du cep, il s’est nourri des enseignements divin et de la vie du Messie promis. Chaque jour, il a renouvelé son choix de croire, d’espérer et d’étudier la Parole. L’éternité était déjà là, dans son cœur, comme une source rafraîchissante, offerte à son entourage. Il voulait comprendre et faire comprendre.
Puisque vous êtes parvenu au terme de ce livre, vous avez déjà pris le même chemin que Daniel. Si vous le voulez, rien ne pourra vous empêcher de continuer, car le Tout-Puissant est de votre côté. Voulez-vous renouveler ce choix, chaque jour, jusqu’au retour du Messie ? Si vous le faites, vous serez comme Daniel jugé digne « d’avoir part au monde à venir et à la résurrection des morts » (Luc 20.35). Vous ne pouvez rien souhaiter de mieux !
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Notes
[1] Micaël apparaît trois fois dans le livre de Daniel (10.13, 21 ; 12.1). Mi-kaël signifie « Qui est semblable à Dieu ? » L’existence de cette interrogation garantit la liberté des êtres célestes. Ceux-ci ont la possibilité de ne plus reconnaître dans Micaël le représentant visible du Dieu invisible (voir 1 Timothée 6.16). Ce fut le choix de Satan avec ses tragiques conséquences. Dieu a besoin d’un agent de communication : aux anges il se présente sous la forme d’un ange, aux hommes sous la forme d’un homme (voir Colossiens 1.15)
[2] Le terme hébreu pour « temps », ‘eth, employé dans ce verset ne désigne généralement pas un moment précis, mais plutôt une époque, le cadre d’un événement. Voir par exemple Juges 11.26 où ce mot couvre une période de 300 ans. En fait, Micaël est « à son poste » (Colbo) depuis 1844 déjà (voir chapitre 9). Cependant la triple répétition de la formule emphatique ha‘eth hahiy’, faiblement rendue en français par « ce temps-là », est peu commune et semble bien indiquer qu’il s’agit d’un moment sans précédent.
[3] En hébreu, « se dressera » et « qui se tient » correspondent au même verbe, ‘amad : « se tenir debout, rester, endurer » mais aussi « s’attendre à, être ou devenir serviteur de » ou encore « se lever, apparaître »
[4] Voir Malachie 3.16-18 ; 1 Corinthiens 3.5 ; Ecclésiaste 12.14.
[5] « Ils ne se sont pas souillés avec des femmes, car ils sont vierges » (14.4), dans le langage symbolique apocalyptique, indique que leur esprit ne s’est pas laissé influencer par les faux enseignements dérivés des religions humaines. Dans l’Apocalypse de Jean, en effet, une femme désigne toujours une Église, un groupe de fidèles ou un mouvement religieux. Cette image est héritée des prophètes hébreux (voir le livre d’Osée, par exemple).
[6] Le mot hébreu correspondant vient d’une racine du sens de repousser, avec une idée d’aversion : non seulement ces malheureux resteront repoussants pour les êtres célestes, mais ils éprouveront eux-mêmes une profonde aversion pour la paix et la joie céleste, qui est dénuée de toute forme d’égocentrisme. Leur juste anéantissement sera pour eux aussi une forme de délivrance.
[7] En hébreu le terme ‘olam, « pour toujours », désigne une longue durée, les temps anciens avant l’apparition du mal. La racine correspondante signifie « être caché, être secret ». Pour les Hébreux, l’éternité n’est pas l’absence de temps mais au contraire la perpétuité du temps. Ici, la honte est éternelle dans le sens, où elle ne peut pas être annulée, ses conséquences sont irréversibles ; la mort qui s’ensuit est donc définitive.
[8] Même racine, sakal, et même mode causatif qu’en Daniel 11.33 (« les gens réfléchis du peuple ») ; sakal signifie principalement « être prudent, être circonspect ». Au vu du contexte et de l’emploi du mode causatif, on pourrait donc traduire : « Ceux qui auront donné du discernement ».
[9] Hébreu tsadaq ; même racine appliquée au sanctuaire en Daniel 8.14.
[10] La traduction « beaucoup le liront » a été abandonnée dans la Nouvelle Bible Segond, car elle ne correspondait pas du tout au terme hébreu employé.
[11] « Juste » : tsadiyq, voir note 9 ; « vie » est au pluriel en hébreu.
[12] Hébreu nephesh : « âme, c.-à-d. être vivant, ce qui respire ; une personne ».
[13] Même personnage qu’en Daniel 10.5, voir commentaires sur 10.5 et note
[14] L’hébreu, yad–‘am–qodesh peut très bien être traduit de cette manière.
[15] La racine naphats signifie « briser » ou « disperser ». Pour « briser », voici les autres cas d’utilisation au mode intensif : Psaume 2.9 ; 137.9 ; Ésaïe 27.9 ; Jérémie 13.14 ; 51.20-23. Pour « disperser », il n’existe qu’un exemple au mode intensif : 1 Rois 5.9.
[16] Sans doute le livre de Daniel, ouvert depuis la fin du XVIIIe siècle.
[17] En hébreu, tsedeq, cf. Daniel 8.14, 12.3.
[18] Mêmes expressions qu’en Daniel 11.31, quo vide.
[19] Micaël est « le grand (gadal) chef », il n’a pas besoin, lui, de se grandir.
[20] Rappelons que le paganisme a longtemps régné sans partage en Europe et que de nombreux restes de ses antiques superstitions subsistent aujourd’hui dans notre société. Même notre calendrier, les noms des jours de la semaine en particulier, en portent la marque. La croyance en l’immortalité naturelle de l’âme en constitue également un héritage, comme le choix du dimanche, autrefois fête du soleil, comme jour de repos.
[21] Ou « idolâtrie qui désole » ; voir p. 114 ; note 83, p. 135 ; note 115, p. 148 ; note 194, p. 181. Voir aussi Daniel 11.32 et commentaires.
[22] Grâce aux interventions armées de Justinien contre les ariens, dès 536. En 538, le pouvoir arien en Italie est en sursis (voir p. 104 et pp. 181-182)
[23] Patrick WEBER, Les rois de France, Librio, 2004, p. 11.
[24] En 496, Clovis est le seul prince catholique du monde : les autres rois francs sont tous païens, l’empereur d’Orient professe l’eutychisme, Ostrogoths, Wisigoths, Burgondes, Suèves et Vandales sont tous disciples d’Arius. Clovis fut le premier roi catholique ou « roi très chrétien ». « Pourtant, écrit Uriah Smith, si nous devions comparer la conduite de Clovis, le catholique, avec celle du roi arien Théodoric, cette comparaison ne serait pas à l’honneur de la foi catholique. » Daniel, chapitre 12 (voir note 113, p. 146)
[25] La guerre cessa définitivement en 510, sans qu’on ait la preuve qu’un traité ait été conclu entre Clovis et Théodoric. Clovis conserva la majeure partie du royaume visigothique au Sud de la Loire ; Théodoric resta maître de la Provence et de la Narbonaise, à l'exception de Toulouse.