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Daniel 8.1-2En l’an trois du règne de Belshatsar, une vision m’apparut, à moi Daniel, après celle qui m’était apparue précédemment. 2Je regardai dans la vision, et voici que, dans la vision, j’étais à Suse-la-citadelle, qui est dans la province d’Elam. Je regardai dans la vision, et j’étais moi-même près de la rivière Oulaï.

Le second chapitre du livre de Daniel présente l’histoire du monde à un roi païen, sous une forme très condensée. Le septième chapitre révèle les enjeux politico-religieux des civilisations. Le huitième chapitre entre davantage dans les détails et nous apprend toute la vérité au sujet du jugement céleste entrevu précédemment. Le Ciel a rendez-vous avec la Terre : on va voir ce qui se passe dans les coulisses.

Souvenons-nous en : le livre de Daniel s’adresse surtout à nous, qui vivons « au temps de la fin » (Daniel 12.4, 9, 10). La prophétie de ce chapitre nous concerne donc bien davantage que les peuples de l’Antiquité. D’ailleurs, à partir de ce chapitre, l’auteur délaisse la langue chaldéenne (l’araméen) qu’il employait depuis Daniel 2.4, au profit de l’hébreu habituel. Tout le propos biblique s’articule autour de ce chapitre.

Daniel 8.3-4Je levai les yeux et regardai : il y avait un Bélier debout devant la rivière. Il avait deux cornes. Les deux cornes étaient hautes, l’une plus haute que l’autre, et la plus haute s’élevait en dernier lieu. 4Je vis le Bélier frapper vers l’ouest, vers le nord et vers le midi ; aucune bête n’était capable de tenir devant lui, ni de délivrer de son pouvoir. Il agissait à sa guise et grandissait.

Nous sommes vers 539 av. J.-C[1]. Daniel sait déjà que la civilisation médo-perse est en passe de prendre le pouvoir à Babylone. Il n’a donc aucun mal à identifier ce bélier. De plus, au verset 20, l’ange qui l’accompagne le déclare explicitement : « Le Bélier à deux cornes que tu as vu : ce sont les rois de Médie et de Perse. » Les Perses ont fini par prendre l’ascendant sur les Mèdes, c’est pourquoi l’une des deux cornes du bélier grandit plus que l’autre (voir Daniel 7.5). A l’apogée de leur règne, les médo-persans contrôlaient plus de 127 provinces, entre l’Inde et l’Ethiopie, soit la quasi-totalité du monde civilisé connu d’alors, si l’on excepte la Grèce (voir Esther 1.1).

Daniel 8.5J’étais en train d’y réfléchir, et voici qu’un Bouc[2] vint de l’occident, parcourant toute la terre sans même toucher terre ; ce Bouc avait une corne remarquable entre les yeux.

Quel est ce nouveau venu ? La réponse de l’ange est claire : « Le Bouc velu : c’est le roi de Grèce. La grande corne qu’il avait entre les yeux : c’est le premier[3] roi. » (Daniel 8.21) Alexandre le Grand hérita du trône macédonien à l’âge de vingt ans. Rapidement, il obligea les cités grecques indépendantes à former un seul royaume. Il réunit une armée bien formée et partit à la conquête du monde. Ses soldats étaient peu nombreux mais il leur apprenait à effectuer de nombreux et rapides déplacements, à manœuvrer avec ruse et à combattre jusqu’à l’épuisement. Il venait de conquérir toute la Macédoine, il ne lui restait qu’à vaincre le géant médo-persan, ce « bélier aux deux cornes ». Son ambition et sa jeunesse ne demandait rien de moins. Mais c’était comme si Cuba ou Haïti voulait s’emparer des États-Unis et du Canada !

Daniel 8.6-7Il vint jusqu’au Bélier aux deux cornes que j’avais vu debout devant la rivière, et il courut sur lui dans l’ardeur de sa force. 7Je le vis arriver à proximité du Bélier, et il se mit en rage contre lui. Il frappa le Bélier et brisa ses deux cornes, et le Bélier n’eut pas la force de tenir devant lui. Il le jeta par terre et le piétina, et il n’y eut personne pour délivrer le Bélier de son pouvoir.

Alexandre affronta les Perses en 331 av. J.-C., à la sanglante bataille d’Arbelès (aujourd’hui Arbil, en Irak). Il mit en déroute l’énorme masse perse et les battit à plate-couture, un véritable tour de force pour la petite armée grecque. On vit alors l’agile léopard tuer l’éléphant fatigué. Les Perses ne purent se défendre, leur courage les avait abandonné.

Daniel 8.8Le Bouc grandit énormément ; mais, tandis qu’il était en pleine vigueur, la grande corne fut brisée, et à sa place s’élevèrent quatre cornes remarquables aux quatre vents du ciel[4].

Alexandre était le maître du monde, à trente-deux ans seulement, et, déjà, il allait lui-même être « brisé ». Juste avant de mourir, pendant une orgie, il murmura qu’il léguait son pouvoir « au plus fort ». Ses généraux se firent donc la guerre entre eux. Épuisés par leurs luttes, ils s’accordèrent finalement sur une division de l’Empire en quatre parties : Lysimaque reçu le Nord, c’est-à-dire l’Asie mineure, Cassandre prit l’Ouest, la Grèce, Séleucos s’empara de l’Est, dont la Syrie, et Ptolémée régna sur le Sud, principalement l’Égypte. Ces quatre nouveaux empires sont analogues aux quatre têtes du léopard vu au chapitre sept.

Daniel 8.9De l’une d’elles (ou de l’un d’eux) sortit une corne toute petite qui grandit tant et plus vers le midi, vers l’orient et vers le Pays magnifique.

Cette petite corne est le sujet principal du chapitre. En hébreu, les versets 9 à 12 utilisent alternativement le masculin et le féminin pour la caractériser, indiquant deux modes d’actions de cette puissance[5]. Cette versatilité des genres caractérise également les mots « corne » (qeren) et « vent » (ruah), qui, en hébreu, peuvent être masculin ou féminin. Sur la base de cette observation, on peut comprendre que la petite corne sort autant des quatre vents que des cornes elles-mêmes. Quoiqu’il en soit, l’Histoire offre un fondement solide aux révélations faites dans la suite de ce chapitre.

Le bélier, la Perse, « grandissait » (higdil, 8.4)[6]. Le bouc, la Grèce, « grandit énormément » (higdil ad-meod, 8.8). Enfin la petite corne grandit « tant et plus » (higdil yéter, 8.9). Le terme yéter porte l’idée de supériorité ou d’excellence. En clair, ce pouvoir va accéder à une prééminence qui va lui donner un avantage unique[7]. Observons que chaque nouveau pouvoir se montre plus ambitieux que le précédent.

Rome, d’abord païenne puis chrétienne, correspond parfaitement à la description donnée ici. Elle vient de l’ouest, par rapport à la Palestine, soit de l’un des quatre vents. Elle conquiert la Macédoine (168 av. J.-C.) et s’empare d’une des quatre cornes du bouc : elle se rend ainsi maîtresse de l’Occident, le Midi va bientôt suivre. En Orient, le plus puissant roi séleucide, Antiochos III le Grand (223-187 av. J.-C.) s’est incliné devant elle. Son prétentieux fils, Antiochos IV dit Épiphane (175-164 av. J.-C.) doit sous la menace romaine évacuer l’Égypte : lui non plus n’a pas agrandi son territoire.

Quand au « (pays) magnifique » ou « important », la Palestine à n’en pas douter, il tombe sous protectorat romain, avec le consentement mitigé des juifs, en 161 av. J.-C.

Daniel 8.10-11aElle grandit jusqu’à l’Armée du ciel ; elle fit tomber par terre une partie de cette Armée et des étoiles, qu’elle piétina. 11aElle s’éleva contre le chef de cette armée[8].

Voilà une activité typiquement satanique : s’attaquer au gouvernement de l’univers (cf. Apocalypse 12.4, où les étoiles représentent les anges déchus). Mais, à une autre échelle, la puissance romaine a joué un rôle dans la déchéance des fidèles de Yahveh, symbolisés ici par l’Armée du ciel et ses étoiles. Sous l’influence romaine, les chefs juifs, les fidèles de Yahveh, ont en effet désavoué leur véritable roi et messie, Jésus de Nazareth, en demandant sa crucifixion. « Nous n’avons pas d’autre roi que César », clamèrent-ils (Jean 19.15). Ils choisirent de rester sous le joug romain, jusqu’à leur fin tragique en l’an 70 de notre ère. Le chef de cette « armée », terrestre ou céleste, n’est autre que le Fils de Dieu, entrevu aux chapitres 3 et 7, et appelé par l’ange « le Prince des princes » au verset 25. Rome est donc venue à bout des juifs, de leurs dirigeants et de leur chef suprême et les a littéralement piétinés.

Daniel 8.11-12Elle grandit jusqu’au Prince de l’armée : le sacrifice constant lui fut enlevé, et le lieu de son sanctuaire fut rejeté. (Nouvelle Bible Segond) 12Et un temps de détresse fut assigné au sacrifice continuel, pour cause de transgression. Et elle jeta la vérité par terre, et agit, et prospéra. (Darby)

Aucune traduction française ne semble rendre ce passage de façon satisfaisante. Il importe de souligner en premier lieu que le mot « sacrifice » n’existe d’aucune façon dans l’original. L’adjectif hébreu tamid, traduit ici par « continuel » ou « constant » est précédé de l’article défini (ha) qui, en hébreu, correspond à un démonstratif. Cela indique que ce tamid a déjà été rencontré dans le récit, en tant que concept, même si le terme n’a pas encore été employé. Il faut savoir aussi que le verbe traduit par « fut enlevé » ou « fut aboli » (v. 11), forme passive de ruwm, au mode intensif, devrait normalement signifier « fut élevé », « fut exalté »[9]. Pour le verset 11, nous proposons donc comme traduction littérale : « Jusqu’au prince de cette Armée elle s’éleva, et, à partir d’elle (lieu et temps), ce processus incessant fut exalté (religieusement) mais le lieu de son prestige[10] fut rejeté. »

La quasi-totalité des versions françaises débutent le verset 12 par « l’armée ». Or ici l’hébreu indique sans ambiguïté « une armée » (tsava), élément nouveau du récit. Elle est distincte de « l’armée des cieux » du verset 10, toujours accompagnée de l’article défini (ha). Cette armée est donnée à la corne, pour agir sur (al) le continuel et dans (be) la transgression[11]. Pour le verset 12, nous proposons donc comme traduction : « Une armée lui fut donnée contre ce processus incessant mais au prix d’un abus de pouvoir. Elle jeta à terre ce qui est digne de foi ; elle agit et conduisit au succès. »

Le sens de ce texte n’est pas difficile à saisir quand on remarque, avec les historiens, que l’Empire romain se prolonge en Occident par le pouvoir des papes. La papauté se forme peu à peu au sein de l’Empire romain (IVe et Ve siècles) puis elle le remplace ou le prolonge (VIe siècle et au-delà). La papauté n’est qu’une nouvelle phase du pouvoir romain, la quatrième puissance apparue dans les visions précédentes. Cette réalité est essentielle pour saisir le rapport entre les mouvements des puissances mondiales et les actions entreprises par le gouvernement céleste.

Mais quel est ce continuel ou perpétuel (hatamid) qui semble constituer l’enjeu du pouvoir ? On connaît le perpétuel du culte hébraïque : c’est le sacrifice d’un agneau. Ici, on est dans un autre contexte : celui des Perses, des Grecs et des Romains ! Ici ce sont des soldats qu’on sacrifie : tout est bon pour s’élever au-dessus des autres. S’élever, grandir, exalter, ces termes, presque tous rattachés à la racine hébraïque gadal, reviennent continuellement. Ce principe d’auto-exaltation, enchâssé au cœur des civilisations, caractérise l’humanité déchue. Il est d’origine satanique[12]. Ajoutons que de nombreux autres textes bibliques confirment cette interprétation, en utilisant tamid pour désigner l’opposition incessante des nations contre le Ciel53, parfois même celle du peuple de Yahveh ! Lire Ésaïe 65.2-4.

Les autres utilisations de tamid dans le livre de Daniel confirment cette analyse. Dans Daniel 11.31 et 12.11, on voit comment la lutte entre le paganisme et le christianisme tourne à l’avantage de ce dernier. L’opposition incessante du paganisme contre Yahveh (tamid) est cette fois enlevée, abolie[13]. Mais elle est remplacée par quelque chose de pire encore : « l’abomination qui désole » ou « idolâtrie épouvantable » (11.31, 12.11). De quoi s’agit-il ? Le verset 11 nous l’a suggéré : l’idolâtrie ou auto-exaltation continuelle des nations païennes est maintenant élevée à la hauteur d’une vertu religieuse : le tamid est « sanctifié » sous le manteau du christianisme !

Le polythéisme traditionnel, « idolâtrie » ou « abomination » dans la Bible hébraïque, a envoûté des millions de personnes. Pourtant il laisse un vide dans le cœur humain. Ce vide a poussé beaucoup de personnes à chercher le secours du Fils de Dieu. Les doctrines papales n’ont même pas cet avantage : cette forme chrétienne d’idolâtrie désole le cœur humain, au point qu’il ne ressent plus la soif naturelle de l’homme pour le Créateur. On le nourrit de faux espoirs qui le satisfont et rendent la Parole de Yahveh, les Saintes Écritures, superflues.

La religion judéo-chrétienne originelle, celle des apôtres du Messie Jésus, exerçait un attrait presque irrésistible sur la population de l’Empire romain qui osait y prêter attention. Le paganisme était réellement en danger ! Le diable comprit la nécessité d’inventer une religion d’apparence chrétienne mais profondément païenne d’esprit, afin de garder le contrôle des consciences. En fait, le principe d’auto-exaltation ou d’égoïsme, qui a infecté le christianisme comme les autres religions, remonte à la révolte de Lucifer[14], dans le Ciel. Depuis la chute d’Adam et Eve, tous les hommes sont porteurs de ce germe mortel (Romains 3.23).

Satan introduisit graduellement dans le milieu chrétien des philosophies et des croyances qui lui étaient étrangères. L’Église perdit sa pureté et sa simplicité évangélique, fondées sur le don de soi, et devint ce que l’on sait. L’apôtre Paul avait prévu cette grande « apostasie ». Selon lui, « l’homme de péché » s’assiérait dans « le temple de Dieu » (l’Église) et se prétendrait l’égal de Dieu (auto-exaltation). C’est la prétention papale par excellence. Lire 2 Thessaloniciens 2.3-4.

Voici les déclarations d’un historien actuel à ce sujet : « Il est incontestable que l’instruction fut méprisée pendant le Moyen-Age. Cependant cette période présente une autre caractéristique parfois oubliée et peut-être négligée. (…) Des études récentes ont démontré que le paganisme de la fin de l’Antiquité n’est pas mort au quatrième siècle, mais il s’est attaché à l’Église, lui donnant une nouvelle forme. Le but de ce chapitre est d’examiner les raisons de cette assimilation du paganisme par l’Église et de l’obscurantisme qui s’est abattu sur l’Europe en conséquence. (…) Le paganisme a conservé son caractère d’origine, mais il a été placé sous une direction nouvelle[15]. »

Daniel 8.11-12Jusqu’au prince de cette Armée elle s’éleva, et, par elle, ce qui est continuel fut exalté, mais le lieu de sa forteresse fut rejeté. 12Une armée lui fut donnée contre ce continuel mais au prix d’un franchissement de limites. Elle jeta ce qui est fiable à terre ; elle agit et prospéra. (Traduction libre)

Rome déclinait. En 330, le siège de l’Empire fut transféré à Byzance, rebaptisée Constantinople, et en 476 Rome céda sous la poussée barbare. Le « sanctuaire » de l’Empire de Rome fut rejeté. La place était libre pour l’auto-exaltation de l’évêque de Rome. Mais il y avait encore un obstacle : certains barbares préféraient la foi arienne à la foi catholique. Il fallait les écarter du pouvoir. On fit appel à la force, transgressant ainsi la limite infranchissable entre le politique et le religieux. En 533, l’Église « reçut » une armée de Justinien pour chasser ces barbares de Rome et d’Afrique du Nord. Ce fut fait en 538. La voie était désormais ouverte aux croisades et autres conquêtes de l’Église par armées interposées. L’abomination spirituelle allait semer la désolation, spirituelle et physique. D’ailleurs les barbares gagnés à la foi catholique, de retour en Europe centrale, convertirent leurs semblables à l’aide de l’épée, comme ils l’avaient appris de Rome.

La vérité[16] était jetée à terre. La douceur et l’amour qui faisaient la force des fidèles de Jésus étaient remplacés par l’auto-exaltation et la soif du pouvoir. A Rome, il s’agissait à présent de rien de moins que d’occuper le trône du Christ. La petite corne continuait de s’élever contre « le chef de l’Armée ». Mais, pour ceux qui se soumettaient à elle, la réussite, politique ou matérielle, était accessible. La petite corne « agissait et prospérait ».

Ainsi la Rome papale absorba, éleva l’esprit du paganisme tandis que, par la force, elle évinçait la puissance politique du paganisme. Quelle vision étonnante ! Daniel, qui vit au VIe siècle av. J.-C., a de quoi être décontenancé, même atterré. Mais la suite est plus étonnante encore. Combien de temps cela va-t-il durer ? Nous arrivons au cœur de la vision et les versets qui suivent sont de la plus haute importance pour nous aujourd’hui. Combien de temps cette puissance dévastatrice va-t-elle tromper le monde ? Combien de temps cette « transgression » va-t-elle servir à persécuter ou égarer les fidèles du Créateur ? Daniel peut bien être accablé car, déjà à son époque, tout porte à croire que le Dieu d’Israël est vaincu par le paganisme ! Le prophète Jérémie décrit ainsi la catastrophe : « Il m’a dévorée, il m’a sucée, Nabuchodonosor, roi de Babylone, il m’a laissée comme un plat léché. Comme un monstre, il m’a engloutie, il s’est rempli le ventre de ma mœlle et m’a rejetée. » (Jérémie 51.34) Nombre de Judéens déportés en Mésopotamie s’étaient résignés, mais certains, comme Daniel, restaient attentifs aux promesses de restauration contenues dans les prophéties (voir Jérémie 51.44). « Jusqu’à quand ? »

Daniel trouve la réponse à ses interrogations en écoutant une conversation entre deux anges. Ceux-ci dirigent son attention vers le vrai culte au Créateur, représenté par les rituels symboliques du sanctuaire hébreu[17]. Ce culte, si différent des cultes idolâtres, prend ici une valeur pédagogique : il va révéler le sens de l’histoire du monde et le plan de sauvetage divin pour l’humanité.

Daniel 8.13-14Et j’entendis parler un saint, et un autre saint dit à celui qui parlait : Jusqu’à quand durera la vision du sacrifice continuel et du péché qui cause la désolation, qui livre le sanctuaire et l’armée pour être foulés aux pieds ? 14Et il me dit : Jusqu’à deux mille trois cents soirs et matins ; puis le sanctuaire sera purifié[18]. (Ostervald)

Enlevons d’abord le terme « sacrifice », qui n’existe pas dans l’original. Nous avons vu plus haut en quoi consiste ce « continuel », qui s’élève et se prolonge dans « l’idolâtrie qui désole ». Quel « lieu de sainteté[19] » est foulé aux pieds par lui avec l’armée ? Le verset 10 nous l’indique : il s’agit du sanctuaire et de l’Armée du Ciel. C’est grave, mais il y a une extraordinaire bonne nouvelle : le sanctuaire sera rétabli. Cette transgression mortelle mourra elle aussi et le sanctuaire de Yahveh sera lavé de toute accusation. Les lois du gouvernement céleste, longtemps foulées aux pieds par les détenteurs du pouvoir religieux, seront défendues en justice. Et il y a un temps fixé pour cela ! Les fidèles de Yahveh seront définitivement acquittés, devant tout l’univers, et la cause du Créateur triomphera. C’est là le cœur et le but de toute la révélation biblique. Satan, le mal et l’abomination qui désole, qui désole les cœurs et les corps[20], connaîtront leur fin, enfin. Mais quand au juste ? Avant de le déterminer, nous devons mieux comprendre comment fonctionne le sanctuaire du Ciel et comment il peut être rétabli ou « justifié ».
 

Visite du sanctuaire de Yahveh

La conversation entre les deux anges (Daniel 8.13-14) captive immédiatement l’attention de Daniel : son cœur bat plus vite alors qu’on évoque son cher sanctuaire hébreu, à Jérusalem, détruit, désolé, profané, littéralement foulé aux pieds par les armées de Nabuchodonosor. Mais en quoi cette merveille de l’Antiquité peut-elle nous aider à comprendre notre rapport avec le gouvernement céleste aujourd’hui ?

Le sanctuaire hébreu et ses rituels symbolisaient le véritable culte au Créateur de l’univers. On pourrait le comparer à un jouet qui permet à un enfant de s’initier à la vie d’adulte. En effet, tout dans le sanctuaire hébreu représentait l’activité céleste. Un grand-prêtre, « pris parmi les humains » (Hébreux 5.1) conduisait les services. Il symbolisait et annonçait Jésus le Messie, celui qui est devenu en tout semblable à ses frères les humains (Hébreux 2.17), notre véritable grand-prêtre. Tous les rituels accomplis par le prêtre hébreu enseignaient aux fidèles comment Yahveh sauve l’humanité du mal. Le Fils éternel de Dieu (voir Hébreux 1) devait porter dans sa chair la famille humaine et triompher du mal dans notre nature déchue (Romains 8.3). Il fallait qu’il reprenne en main le gouvernail de notre navire, à la dérive depuis la chute d’Adam et Eve.

En dépit de ses qualités pédagogiques uniques, le sanctuaire hébreu ne devait pas durer toujours. Les rituels sacrificiels formulés par Moïse ont perdu leur raison d’être quand le véritable agneau de Dieu s’est livré à la mort, sur la croix[21]. Le sanctuaire terrestre n’était qu’un manuel, une image, l’ombre du Sauveur du monde (Hébreux 8.5 ; 10.1).

On s’attache à la photographie d’un être cher, quand il est loin. Mais quand le bien-aimé revient, il occupe tous les regard et le portrait perd son attrait. Le Fils de Dieu est venu en personne et il est mort à notre place. Les images rituelles du sanctuaire hébreu n’étaient qu’une ombre : elles furent éclipsées par l’éclat de cette réalité. Quand le voile du sanctuaire de Jérusalem se déchira, en l’an 31 de notre ère (voir note précédente), le temple terrestre perdit son caractère unique et sacré. Il fut définitivement détruit en l’an 70. Mais nous avons mieux : le travail salutaire qu’accomplit depuis son ascension le Fils de Dieu dans le temple céleste.

En effet, selon l’épître aux Hébreux, le grand-prêtre céleste travaille dans un bien meilleur sanctuaire que celui de l’Antiquité. Ses fidèles l’y accompagnent en pensée, par la foi : ils sont de cœur avec lui dans son ouvrage. Jésus, frère des hommes, a traversé les cieux : il a repris la direction de l’Armée du ciel dont parle Daniel. Cette prêtrise-là est incessible. Personne ne peut l’abolir ni se substituer à elle. Pas même la petite corne ne possède ce pouvoir (Hébreux 7.23-24). Elle ne peut que le piétiner, en le reniant ou en prétendant s’y substituer, mais ce n’est qu’un arrogant blasphème.

Le véritable temple est au Ciel ; c’est le poste de commandement central de l’univers (lire Hébreux 8.1 ; 9.8-11). C’est ce sanctuaire-là qui doit être rétabli au bout de 2 300 soirs et matins, car cette vision concerne « le temps de la fin » (Daniel 8.17, 19).