Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Daniel : une lumière à Babylone

1 Jean 5.16-17 : Le péché qui ne mène pas à la mort

13 Avril 2018 , Rédigé par Misha Publié dans #Textes commentés

Le texte

Si quelqu’un voit son frère commettre un péché qui ne mène pas à la mort, qu’il demande, et il [Dieu] lui donnera la vie ; il s’agit de ceux qui commettent un péché qui ne mène pas à la mort. Il y a un péché qui mène à la mort, ce n’est pas pour celui-là que je dis de demander. Toute injustice est péché — et il y a un péché qui ne mène pas à la mort. 1 Jean 5.16-17, NBS.

 

Le contexte

Jean est en train de parler de la réalisation du salut à l’intérieur du croyant (l’évangile « subjectif ») et de certaines de ses implications pratiques, l’amour des autres croyants et l’attention spirituelle que nous pouvons leur porter dans nos prières, notamment en cas de défaillance de leur part. Déjà deux chapitres plus haut, Jean témoignait :

1 Jean 3.14 : Nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie parce que nous aimons les frères et sœurs. Celui qui n'aime pas [son frère] reste dans la mort. (Segond 21).

Cet élément de contexte nous donne déjà de précieuses explications par rapport au « péché qui mène à la mort ». Il serait question avant tout de mort spirituelle, selon ce que Jésus lui-même enseignait : « Amen, amen, je vous le dis, celui qui entend ma parole et qui croit celui qui m’a envoyé a la vie éternelle ; il ne vient pas en jugement, il est passé de la mort à la vie. » (Jean 5.24). Or, selon 1 Jean 3.14, celui qui n’aime pas reste dans la mort, dans le sens où il ne passe pas de la mort à la vie, ou bien, s’il est déjà passé de la mort à la vie, il ne reste pas dans la vie, il retourne dans la mort de l’incrédulité et du péché, donc de l’égoïsme. Il attriste donc le Saint-Esprit (cf. Éphésiens 4.30). L’issue finale de cette attitude de refus de l’amour est la mort, la mort éternelle.

Au contraire, celui qui reste dans la vie du Christ, qui s’identifie avec sa vie, sa mort et sa résurrection, aime son frère. Il prie pour lui s’il chute et se repent afin qu’il soit relevé immédiatement par Jésus et réintroduit dans la participation présente à la vie éternelle future. Justement, dans le passage qui nous intéresse, Jean va parler de l’application pratique de cet aspect de l’amour pour les frères. Toutefois, fidèle à l’évangile et enthousiaste pour la personne de Jésus, Jean rappelle d’abord les bases de sa foi :

1 Jean 5.1 : Quiconque croit que Jésus est le Christ est né de Dieu*, et quiconque aime celui qui fait naître** aime aussi celui qui est né de lui. (NBS)

* ἐκ τοῦ θεοῦ γεγέννηται. La préposition ἐκ, hors de, venant de, donne une coloration très concrète et dynamique à cette naissance : on a l’impression d’assister à un accouchement. Nous ne sommes pas dans une pensée grecque occidentale, abstraite, conceptuelle, mais dans une pensée hébraïque, concrète et imagée. Le verbe γεννάω, engendrer, est conjugué ici au parfait de l’indicatif (mode passif) : γεγέννηται, est né. Le parfait indique que cet engendrement est considéré comme terminé, achevé. Le parfait joue ici le rôle de l’accompli en hébreu et du passé composé en français. Cependant nous allons voir dans les versets suivants que cet engendrement peut aussi être considéré comme perfectif, en cours de réalisation (« d’accouchement ») ou bien déjà réalisé mais pouvant évoluer dans le temps, de façon favorable ou défavorable.

** γεννήσαντα, participe aoriste actif de γεννάω, utilisé comme un substantif : cette façon hébraïque de s’exprimer semble avoir parfois dérouté les traducteurs. Ici la traduction de la NBS, celui qui fait naître, est bien plus fidèle que la version Segond de 1910 : celui qui l’a engendré. L’aoriste et le participe sont utilisés, plutôt que le parfait et l’indicatif comme précédemment, parce que Dieu n’a pas fini de faire naître : il continue d’attirer d’autres êtres humains par son Esprit pour susciter leur foi (avec le concours de ceux qu’il a déjà engendrés, nous allons le voir au verset 18). L’aoriste en effet ne garantit pas que l’action se situe entièrement dans le passé, sauf au mode indicatif. Ailleurs (subjonctif, participe, infinitif…) l'aoriste, qui n’a pas d’équivalent en français, reste un aspect, une sorte de constat des faits, sans référence à leur durée.

1 Jean 5.3 : Car l’amour* de Dieu, c’est que nous gardions ses commandements. Et ses commandements ne sont pas un fardeau. (NBS)

* ἀγάπη, c’est-à-dire, au sens premier du terme, le contentement lié au fait de chérir, d’accueillir avec tendresse. C’est un état d’esprit stable et profond qui ne dépend pas des circonstances extérieures mais de la seule décision de celui qui choisit de chérir. Dans les versets 1 à 3, pour parler d’amour, Jean utilise le substantif ἀγάπη et le verbe ἀγαπάω, qui porte les mêmes significations. Idem en 1 Jean 3.14.

1 Jean 5.5 : Qui est vainqueur du monde, sinon celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu ? (NBS)

Voilà deux heureuses nouvelles !

— D’abord (5.3) l’amour inconditionnel (ἀγάπη) que Dieu nous porte nous pousse à garder ses commandements, par reconnaissance. De plus, ses commandements ne sont pas « pesants » (Bible de Jérusalem ; grec : βαρύς), contrairement à ce que les religieux de l’époque faisaient croire et sentir : « Ils lient des fardeaux pesants (βαρύς), et les mettent sur les épaules des hommes, mais ils ne veulent pas les remuer du doigt. » (Matthieu 23.4, NEG).

— Ensuite (5.5) cette réconciliation avec la droiture divine exprimée notamment dans les dix commandements constitue une victoire évidente sur le monde et cette victoire est le fruit de la foi (celui qui croit que Jésus est le Fils…). Amour et foi sont donc indissociablement liés et pèsent (βαρύς) eux aussi de tout leur poids dans les balances éternelles : « Quel malheur pour vous, scribes et pharisiens, hypocrites ! Vous payez la dîme de la menthe, de l’aneth et du cumin, et vous laissez de côté ce qui est le plus important* (grec : βαρύς) dans la loi : la justice, la compassion et la foi. » (Matthieu 23.23, NBS)

* Litt. : [Les choses] les plus pesantes (βαρύς) ; Bible annotée : les plus lourdes ; Bible de Jérusalem : les plus graves. Donc, dans ses reproches aux religieux rapportés en Matthieu 23, Jésus dit en substance : « Vous rendez la loi inutilement pesante (βαρύς) tout en négligeant ou repoussant ce qu’il y a de vraiment lourd (βαρύς), c’est-à-dire de glorieux dans la loi. » En effet, en hébreu, le mot kavod (כָּבוֹד), concept présent ici en filigrane même si le texte a été rédigé en grec, signifie à la fois lourd et glorieux. Cela n’apparaît pas dans la traduction grecque de l’AT (LXX), où βαρύς n’est employé pour traduire kavod (כָּבוֹד) que dans les contextes où le sens concret de lourd prévaut. Pour parler de poids, de lourdeur avec l’idée de gloire, de splendeur, de renommée, les traducteurs juifs de l’AT ont employé le mot grec δόξα, qui signifie à la base, en grec classique : ce qui paraît, ce qui semble, ce à quoi l’on s’attend, mais aussi principe, doctrine et réputation, tant bonne que mauvaise, mais le plus souvent bonne, d’où, enfin, estime, honneur, renom, gloire. (Dictionnaire Alexandre). Les apôtres, Paul notamment, ont réutilisé ce mot au champ sémantique très riche, δόξα, pour parler de la gloire de l’évangile du Christ (2 Corinthiens 4.4). δόξα semble le meilleur terme occidental pour évoquer la notion hébraïque du poids (kavod כָּבוֹד) de Dieu dans et devant l’univers, si on lui adjoint la notion concrète apportée par βαρύς.

Aimer Dieu, aimer ceux que Dieu aime (les frères), aimer les commandements, vaincre le monde, voilà autant de facettes différentes d’un même projet global, dans lequel toute la divinité est impliquée, espérant une réponse de l’humanité :

1 Jean 5.7-11 : Car il y en a trois qui rendent témoignage : l’Esprit, l’eau et le sang, et les trois sont d’accord. Si nous recevons le témoignage des humains, le témoignage de Dieu est plus grand. Celui qui met sa foi dans le Fils de Dieu a ce témoignage en lui-même [l’évangile subjectif]. Ce témoignage, c’est que Dieu nous a donné la vie éternelle, et cette vie est en son Fils [l’évangile objectif].

La « vie », en grec ζωή, désigne dans le NT la vie en tant que don de Dieu et qu’état opposé à la mort. Le mot seul, dans un cadre biblique, n’implique pas nécessairement l’immortalité. Voir ζωή et ψυχή : la « vie » dans le NT

1 Jean 5.12 : Celui qui a le Fils a la vie, celui qui n'a pas le Fils n’a pas la vie.

Le verset précédent et le verset suivant (5.13) précisent qu’il s’agit de la vie éternelle, celle que nous possédons déjà en Christ par la foi en attendant d’en jouir physiquement, à condition toutefois de participer à la nature divine (2 Pierre 1.4) par le Saint-Esprit, donc d’expérimenter dès maintenant le caractère de Dieu, c’est-à-dire sa bonté et sa fidélité*.

* ou sa foi ; foi et fidélité sont exprimées dans les textes originaux de la Bible par le même terme, en grec πίστις, en hébreu aman אָמַן et ses dérivés comme emounah אֱמוּנָה dans Habacuc 2.4. Donc on peut parler de la foi de Dieu, notamment en Romains 3.3 ! Bouleversant et salutairement « humiliant ».

1 Jean 5.14-15 : L’assurance que nous avons auprès de lui, c’est que, si nous demandons (αἰτώμεθα) quelque chose selon sa volonté, il nous entend*. Et si nous savons qu’il nous entend, quoi que nous demandions (αἰτώμεθα), nous savons que nous avons ce que (τὰ αἰτήματα) nous lui avons demandé (ᾐτήκαμεν).

* Le verbe ἀκούω signifie aussi bien être doté de l’ouïe que écouter avec attention, avec considération. Les auteurs du NT choisissent souvent des termes grecs au champ sémantique large, en référence à l’hébreu. En hébreu, le verbe shāma (שָׁמַע) est l’exemple parfait de cette pensée hébraïque, qui tend davantage à la synthèse qu’à l’analyse, car il signifie à la fois entendre, écouter, comprendre et obéir ! La pensée hébraïque est associative plutôt que dissociative. Le concept paulinien « en Christ » en est le meilleur exemple.

Le verbe αἰτέω, employé ici à quatre reprises, signifie à la fois demander (quelque chose à quelqu’un) et prier (quelqu’un, pas forcément Dieu). Jean ne parle pas ici de la prière où l’on se décharge de ses préoccupations sur Dieu, où l’on intercède pour une personne rebelle à Dieu, comme Moïse l’a fait pour les Hébreux dans le désert, lorsqu’ils attristaient son Esprit saint (Ésaïe 63.10). Ces prières-là peuvent être adressées à Dieu en tout temps et pour tout être humain, que son péché aboutisse ultimement à la mort ou non. Cependant le résultat de cette prière n’est pas garanti : il dépend notamment de la volonté de la personne pour laquelle on prie. Mais, ici, Jean parle d’une demande à Dieu qui aboutit à coup sûr, qui obtient un résultat précis et concret, une délivrance du péché certaine, un retour à la vie immédiat. C’est la prière de quelqu’un qui est habité par l’Esprit saint et qui est certain d’être exaucé parce qu’il sait qu’il demande quelque chose à la fois désiré par Dieu et par le croyant défaillant pour lequel il prie. D’où 1 Jean 5.16 notre verset de départ.

L’examen du texte original

1 Jean 5.16a (essai de traduction mot-à-mot) : Si quelqu’un voit son frère péchant d’un péché* pas à la mort**, il demandera*** et il [Dieu] lui donnera la vie pour ceux qui pèchent**** pas à la mort.

* ou fautant d’une faute, ou s’égarant d’un égarement. Grec : ἁμαρτάνοντα ἁμαρτίαν : participe présent de ἁμαρτάνω suivi du substantif ἁμαρτία. Cette « redondance » est en fait une tournure hébraïque.

** ou vers la mort, auprès de la mort. Grec : πρὸς θάνατον, voir ci-dessous.

*** ou il priera : αἰτήσει, futur de l’indicatif de αἰτέω. La traduction qu’il prie (Segond), reste possible néanmoins si on considère ici le futur comme l’équivalent d’un inaccompli hébreu. Cependant le verbe suivant, δίδωμι, est également au futur de l’indicatif : δώσει αὐτῷ ζωήν, il lui donnera la vie. Il faut donc préférer ici le futur de l’indicatif, plus dynamique : il priera, à coup sûr, et il sera exaucé à coup sûr également !

**** ou fautent ou s’égarent. Grec : τοῖς ἁμαρτάνουσιν, participe présent masculin pluriel, au datif, de ἁμαρτάνω.

Il apparaît tout d’abord que le verbe mener, fréquemment utilisé, à bon droit, par les traducteurs (ils parlent d’un péché qui mène à la mort) n’existe pas dans le texte original. À la place, Jean utilise une formulation plus « primitive », plus hébraïque : πρὸς θάνατον, à la mort, vers la mort, auprès de la mort. On pourrait donc traduire mot-à-mot « un péché n’étant pas à la mort », le verbe être étant souvent omis en hébreu. Voir la définition de πρὸς et son emploi dans le NT en fin de cette étude.

Le verbe ἁμαρτάνω, pécher, fauter, dont les substantifs ἁμαρτία et ἁμάρτημα* dérivent, signifie en grec classique :

— avec le génitif : s’écarter de et par extension manquer, ne pas atteindre, ne pas obtenir

— sans le génitif (comme ici) : se tromper, s'égarer, faillir, pécher, avoir tort, être coupable.

* Sur 230 occurrences environ du mot péché dans le NT, ἁμάρτημα n’est utilisé que quatre fois ; ἁμαρτία, qui semble un terme plus général, plus englobant, est largement majoritaire, peut-être parce qu’il se rapproche davantage de ses équivalents hébreux à cet égard. Marc 3.28-29 emploie ἁμάρτημα pour parler de tout acte de péché « ordinaire » et de l’acte de pécher contre le Saint-Esprit. Dans le grec classique, ἁμάρτημα est une simple variante linguistique de ἁμαρτία ; cependant, sur les quatre occurrences de ἁμάρτημα dans le NT, ce mot n’a pas été employé pour parler du phénomène du péché en général, comme l’est parfois ἁμαρτία, mais seulement pour parler de l’acte de pécher.

Le verbe ἁμαρτάνω marque un manquement, un passage à l’acte. Ce phénomène se distingue assez nettement du péché contre le Saint-Esprit (Matthieu 12.32 ; Marc 3.29 ; Luc 12.10) qui consiste en un refus de reconnaître la faute et de s’en détourner, une persistance dans l’acte fautif, le rôle du Saint-Esprit étant justement de convaincre de péché (Jean 16.8). Jean parle donc ici de prier en vue d’obtenir une bénédiction certaine et immédiate pour un croyant fautif mais repentant, et non pour quelqu’un qui s’obstine dans son erreur.

Celui qui s’obstine dans sa faute insulte le Saint-Esprit, le déconsidère, le calomnie, annule ou pervertit son œuvre (βλασφημέω, Luc 12.10), bref il afflige l’Esprit de Dieu, selon le sens de la racine ’atsav עָצַב (Ésaïe 63.10). Pour une telle personne, il est évident que l’on ne peut rien obtenir de Dieu dans l’immédiat, puisqu’elle refuse ce que Dieu a de meilleur pour elle : la détourner de ses fautes. Ce refus est affligeant pour Dieu, il cause à Dieu une peine réelle dont l’intensité est difficile à imaginer. Il ne sert à rien de demander la bénédiction immédiate du retour dans le salut pour cette personne. On peut seulement lutter avec Dieu dans la prière pour qu’il parvienne à détourner cette personne de son iniquité* (Actes 3.26), qu’elle soit croyante ou non.

* πονηρία, et non ἀδικία (injustice) comme dans 1 Jean 5.17 (voir ci-dessous). Cependant les deux termes ont des significations voisines et sont utilisés côte à côte dans la longue liste de maux de Romains 1.29 : « ils sont remplis de toute espèce d’injustice (ἀδικία), de méchanceté (πονηρία), d’avidité, de malfaisance ; pleins d’envie, de meurtre, de disputes, de ruses, de vices » (NBS). πονηρία se rapproche de l’hébreu רָעָה (le mal, ce qui est mauvais, Genèse 6.5), tandis que ἀ-δικία (sans justice ou privé de justice) s’apparente plutôt au mot tsedeq צֶדֶק (ce qui est juste, droit, vertueux, Psaume 119.142).

Détourner l’homme de son mal, de son iniquité, constitue la bénédiction promise à Abraham et à sa descendance (Actes 3.25). Cette bénédiction est destinée, dans le projet de Dieu, à s’étendre à « toutes les familles de la terre » (Genèse 12.3 ; 28.14). C’est pourquoi Jean continue en disant :

1 Jean 5.16b : Il y a un péché [ou une faute] à la mort*, ce n’est pas pour** celui-là que je dis de demander***.

* ou vers la mort, auprès de la mort : πρὸς θάνατον

** περὶ suivi du génitif signifie : soit autour de ; soit pour, dans le sens de au sujet de ou en vue de ; soit par-dessus, au-dessus de.

*** λέγω ἵνα ἐρωτήσῃ : « je dis afin qu’on demande » ; ἐρωτήσῃ est la 3e personne du singulier du subjonctif aoriste de ἐρωτάω (distinct mais synonyme de αἰτέω utilisé depuis le verset 14) ; ἐρωτάω signifie demander avec la nuance de prier, exhorter ou recommander de faire ou de croire quelque chose (cf. 2 Jean 1.5 ; Actes 10.48b ; 1 Thessaloniciens 4.1 ; 5.12 ; 2 Thessaloniciens 2.1).

On ne doit surtout pas comprendre ἁμαρτία πρὸς θάνατον (un péché à la mort) comme voulant dire « un péché mortel » : ce serait en contradiction avec l’enseignement de la Bible en général et du NT sur le péché. Tout péché est mortel, toute faute entraîne la mort, comme l’annonçait l’éviction d’Adam et Ève du jardin d’Éden et comme le confirme la mort du Fils de Dieu sur la croix, totalement identifié avec l’humanité, porteur de la malédiction absolue — en toute légalité et en toute horreur.

Bibliquement tout péché mérite la mort éternelle. Donc le péché qui « n’est pas à la mort » (μὴ πρὸς θάνατον, 5.16a) est le péché auquel on renonce, par le Saint-Esprit, par l’intercession d’un frère (ou d’une sœur). Ce péché « pas à la mort », comme tout péché, a déjà entraîné la peine capitale pour le Fils, le représentant légal de toute l’humanité. Si nous acceptons d’être identifiés à Christ, Dieu ne peut alors pas nous condamner une deuxième fois, puisque nous avons déjà subi la peine capitale en Jésus-Christ (cf. Colossiens 3.3). C’est ainsi que le Fils a « racheté » l’humanité, au sens hébraïque de la racine ga’al (גָּאַל) qui signifie rachat, rédemption mais aussi parenté, comme dans Ézéchiel 11.15. En effet, c’est le plus proche parent qui doit « racheter » la personne veuve ou devenue esclave (voir Ruth 4). D’où l’importance de l’incarnation complète du Christ, rendu semblable en toutes choses à ses frères (Hébreux 2.17, cf. Philippiens 3.21).

1 Jean 5.17 : Toute injustice est péché — et il y a un péché qui ne mène pas la mort. (NBS. Original : πᾶσα ἀδικία ἁμαρτία ἐστίν, καὶ ἔστιν ἁμαρτία οὐ πρὸς θάνατον.)

Le mot injustice, ἀδικία, littéralement sans justice, est aussi utilisé dans Romains 2.8 : « colère et fureur à ceux qui, par ambition personnelle, sont réfractaires à la vérité et se laissent persuader par l’injustice. » (NBS) Deux éléments de perdition apparaissent dans cette déclaration de Paul : pour être perdu, au final, il faut à la fois adhérer à, se laisser persuader par l’injustice qui nous est naturelle, et résister, être réfractaires à la vérité de l’Esprit, qui est surnaturelle. Cependant, pour les personnes qui ne résistent pas à l’Esprit, qui ne pèchent pas « à la mort » (πρὸς θάνατον), la bénédiction de Dieu, son pardon et sa paix restent accessibles à tout moment, même en cas de faute accidentelle, notamment sur l’intercession d’autres croyants. Ces personnes-là ne sont pas « près de la mort » (πρὸς θάνατον) (1 Jean 3.14), elles s’en éloignent au contraire de jour en jour, car elles sont passées « de la mort à la vie » (Jean 5.24). Leurs chutes mêmes servent à leur éducation et les aident à se détacher de plus en plus de l’injustice (ἀδικία) et du mal (πονηρία). Amen !

1 Jean 5.18 : Nous savons que quiconque est né de Dieu ne pèche* pas ; mais celui qui naît de Dieu (ὁ γεννηθεὶς ἐκ τοῦ θεοῦ) le garde, et le Mauvais** ne le touche*** pas. (NBS)

* ἁμαρτάνει, présent de l’indicatif : celui qui est né de nouveau ne pèche pas normalement, habituellement ; mais une chute est toujours possible puisque sa chair n’a pas changé. D’où la vigilance spirituelle entre frères que Jean recommande ici.

** ou le mal : ὁ πονηρὸς désigne la personnification du mal (πονηρία), quelle qu’elle soit et non Satan seulement. Cf. 1 Corinthiens 5.12-13.

*** Le sens de base du verbe traduit ici par toucher, ἅπτω, est nouer, attacher, entrelacer, accrocher ou mettre le feu, allumer. Cependant, utilisé au moyen-passif et suivi du génitif, comme ici (ἅπτεται αὐτοῦ), il prend le sens de s’attacher à, s’occuper de, entreprendre (quelqu’un). Au moyen, ἅπτω signifie encore attaquer, atteindre, envahir, toucher à, avoir du rapport avec. Autant de modes par lesquels Satan essaye d’entrer en relation avec nous !

Nous pouvons maintenant rapprocher utilement les deux versets extrêmes du passage que nous avons considéré, tout en essayant de les retraduire :

1 Jean 5.1 : Quiconque croit que Jésus est le Christ, c’est de Dieu qu’il est né (ἐκ τοῦ θεοῦ γεγέννηται) et quiconque chérit celui qui fait naître (πᾶς ὁ ἀγαπῶν τὸν γεννήσαντα) chérit aussi celui qui est né de lui (τὸν γεγεννημένον ἐξ αὐτοῦ).

(Chouraqui : « Quiconque aime l’engendreur aime aussi celui qu’il a engendré. »)

1 Jean 5.18 : Nous savons que quiconque est né de Dieu (πᾶς ὁ γεγεννημένος ἐκ τοῦ θεοῦ) ne pèche pas ; mais celui qui naît de Dieu (ὁ γεννηθεὶς ἐκ τοῦ θεοῦ) le garde*, et le mal n’arrive pas à l’accrocher (ἅπτω). Victoire ! Cf. v. 5.

* τηρέω est ici au présent de l’indicatif : c’est une vigilance continue, toujours d’actualité, non acquise une fois pour toutes.

L’expression γεννάω ἐκ τοῦ θεοῦ (ἐξ αὐτοῦ), naître de Dieu, naître de Lui, revient deux fois dans chaque verset. Mais à la première occurrence, au début du verset 1, Jean a inversé l’ordre des mots : ἐκ τοῦ θεοῦ γεγέννηται, d’où notre traduction : c’est [bien] de Dieu [et non de la chair] qu’il est né. Jean utilise ici un procédé de syntaxe hébraïque : il met en premier dans la phrase l’élément important pour le mettre en valeur*.

* On retrouve un procédé identique quand Jésus se donne le titre de « Seigneur du sabbat », déclaration rapportée par les trois évangiles synoptiques. Les trois évangélistes utilisent trois formulations légèrement différentes pour rapporter ces propos de Jésus mais, tous les trois, dans le texte original, placent en premier dans la phrase le mot κύριος, seigneur, maître. « Seigneur du sabbat est le Fils de l’homme ! » Or, en hébreu, κύριος, seigneur, se dit Adonaï, et Adonaï est le mot utilisé pour dire YHWH quand on lit à haute voix le texte hébreu à la synagogue ! « Seigneur (YHWH, le Créateur) du sabbat est le Fils de l’homme ! » Inouï. Non seulement cette parole de Jésus ne dévalorise pas le sabbat, mais elle s’oppose à toute tentative de rabaisser Jésus au niveau d’une créature ! Références : Matthieu 12.8 ; Marc 2.28 ; Luc 6.5.

Examinons maintenant, dans ces deux versets extrêmes de notre passage, les temps utilisés pour le verbe γεννάω, naître :

1 Jean 5.1 : Quiconque croit que Jésus est le Christ, c’est de Dieu qu’il est né (γεγέννηται : parfait de l’indicatif passif) et quiconque chérit celui qui fait naître (τὸν γεννήσαντα : aoriste du participe actif) aime aussi celui qui est né de lui (τὸν γεγεννημένον : parfait du participe moyen-passif).

1 Jean 5.18 : Nous savons que quiconque est né (ὁ γεγεννημένος : parfait du participe moyen-passif) de Dieu ne pèche pas ; mais celui qui naît (ὁ γεννηθεὶς : aoriste du participe passif) de Dieu le garde, et le mal n’arrive pas à l’accrocher.

L’apôtre Jean maîtrise très bien la conjugaison grecque, visiblement ! Pour parler des faits accomplis, résultats directs de la foi en l’évangile objectif, il utilise le parfait : c’est de Dieu qu’il est né (γεγέννηται, v. 1) ; celui qui est né de lui, (τὸν γεγεννημένον, v. 1), quiconque est né (ὁ γεγεννημένος, v. 18) de Dieu. Tandis que pour parler de l’évangile subjectif, de sa réalisation en cours, dans le non croyant comme dans le croyant, il utilise l’aoriste : celui qui fait naître (τὸν γεννήσαντα, v. 1) ; celui qui naît (ὁ γεννηθεὶς, v. 18) de Dieu. Ainsi la nouvelle naissance est d’abord présentée comme un fait accompli et acquis pour celui qui est né de lui (parfait), mais elle prend aussi la forme d’une rencontre avec Celui qui fait naître (aoriste) puis d’un cheminement* avec Lui : celui qui naît de Dieu (aoriste) doit confirmer concrètement sa naissance au quotidien. Or selon 1 Jean 5.18, celui qui naît de Dieu ainsi, tous les jours, garde aussi tous les jours son frère du mal pour que le Mauvais ou le mal n’arrivent pas à avoir le dessus sur lui.

* un « chemin de croix » au sens biblique : Matthieu 16.24 ; Marc 8.34 ; Luc 9.23.

 

Conclusion : je suis le gardien de mon frère.

« Suis-je le gardien de mon frère ? » demandait autrefois le coupable Caïn (Genèse 4.9). Oui, je le suis, et ma prière pleine de foi le relèvera à coup sûr de ses chutes accidentelles avouées. Ainsi il ne restera pas dans les griffes de la mort (πρὸς θάνατον), contrairement à Jésus qui y est resté trois jours et trois nuits. Il apprendra petit à petit à ne plus attrister l’Esprit de Jésus. Il apprendra ainsi à recevoir comme une promesse et une bonne nouvelle la recommandation de Dieu à Caïn : « Le péché est tapi à ta porte, et son désir se porte vers toi ; à toi de le dominer ! » (Genèse 4.7, NBS).

Enfin remarquons que Dieu engendre (γεννάω) aussi par des intermédiaires humains : les apôtres. Paul revendique cette responsabilité dans 1 Corinthiens 4.15 : « c'est moi qui vous ai engendrés en Jésus-Christ par l'Évangile » (Segond 1910). Le verbe γεννάω est en effet ici à l’aoriste, mais de l’indicatif (ἐγέννησα, 1re pers. du sing.), indiquant cette fois un fait passé, accompli. Remarquons que la traduction ci-dessus ne donne pas le juste ton des propos de Paul, beaucoup plus humbles que ne le laisse paraître l’ordre des mots en français. C’est vrai, l’accent mis sur l’apôtre, (« c’est moi qui vous ai engendrés ») existe bien en grec (ἐγὼ ὑμᾶς ἐγέννησα) ; le contexte du chapitre 4 et des trois chapitres précédents de cette première lettre aux Corinthiens donne les raisons de cette insistance de Paul sur sa personne. Mais Paul, dans le texte original, rédige en réalité sa phrase ainsi :

ἐν γὰρ Χριστῷ Ἰησοῦ, διὰ τοῦ εὐαγγελίου, ἐγὼ ὑμᾶς ἐγέννησα.

car en Christ Jésus, par [l’annonce de] l’évangile, c’est moi qui vous ai engendrés.

L’ordre des mots a son importance : d’abord le Christ, ensuite la bonne nouvelle et enfin « moi, votre serviteur, qui a servi d’intermédiaire entre vous et le Christ ». Paul ne se met pas en avant : au contraire, conformément à la syntaxe hébraïque il met ce qui est le plus important en premier et le moins important en dernier. « Pas moi, mais Christ, qui vit en moi !», écrivait-il aux légalistes de Galatie (Galates 2.20). Paul ne faisait en cela que suivre son Maître jusqu’au bout, jusque dans le jardin de Gethsémané : « non pas comme moi, je veux, mais comme toi, tu veux » (Matthieu 26.39, NBS). Que Dieu nous envoie de tels apôtres aujourd’hui, de vrais apôtres qui ont triomphé de la tyrannie de l’ἐγὼ ! Amen.

Définition de Πρός

Πρός (avec l'accusatif) : Aux environs de, auprès, vers. Contre (quelque chose). Source : Wiktionnaire : Les prépositions en grec ancien.

 

Utilisation de πρὸς avec l’accusatif dans la première épitre de Jean :

1 Jean 1.2 : nous vous annonçons la vie éternelle, qui était auprès du Père (ἦν πρὸς τὸν πατέρα)

1 Jean 2.1 : Mais si quelqu’un vient à pécher, nous avons un défenseur auprès du Père (πρὸς τὸν πατέρα)

1 Jean 3.21 : Si notre cœur ne nous condamne pas, nous avons de l’assurance auprès de Dieu (πρὸς τὸν θεόν).

1 Jean 5.14 : L’assurance que nous avons auprès de lui (πρὸς αὐτόν)…

2 Jean 1.12 : mais j’espère aller chez vous, et vous parler de bouche à bouche (στόμα πρὸς στόμα, King James : face to face), afin que notre joie soit parfaite. Idem en 3 Jean 1.14.

 

Utilisation de πρὸς suivi de l’accusatif dans le NT :

 

1. Dans l'évangile de Jean :

Jean 1.1 : La parole était avec Dieu (πρὸς τὸν Θεόν) ; NBS et Darby : la Parole était auprès de Dieu ; Chouraqui : le logos, lui, pour Elohîms. Idem dans Jean 1.2.

Jean 1.19 : Voici le témoignage de Jean, lorsque les Juifs lui envoyèrent [litt. envoyèrent vers lui ἀπέστειλαν πρὸς αὐτὸν] de Jérusalem des prêtres et des lévites pour lui demander : Toi, qui es-tu ? (NBS)

Jean 1.29 : Le lendemain, il voit Jésus venir à lui (ἐρχόμενον πρὸς αὐτόν) et dit : Voici l’agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde. (NBS)

Jean 1.42 : Il le conduisit vers Jésus (πρὸς τὸν Ἰησοῦν).

Jean 1.47 : Jésus vit Nathanaël venir à lui (πρὸς αὐτὸν).

Jean 3.2 : qui vint, lui, auprès de Jésus (πρὸς αὐτὸν), de nuit, et lui dit… (NEG)

Jean 6.5 : Jésus leva les yeux et vit qu’une grande foule venait à lui (ἔρχεται πρὸς αὐτὸν). (NBS)

La préposition πρὸς implique toujours un mouvement, une dynamique un échange. Elle est même utilisée associée au verbe dire (λέγω) quand on s’adresse à quelqu’un :

 

2. Dans le cadre d’une relation, d’un échange :

Jean 2.3 : Comme le vin venait à manquer, la mère de Jésus lui dit (λέγει… πρὸς αὐτὸν : elle dit vers lui) : Ils n’ont pas de vin.

Mais lorsque Satan s’adresse à Jésus, l’évangéliste utilise le datif, plus statique, au lieu de la préposition πρὸς : Matthieu 4.6 : et lui dit (λέγει αὐτῷ : il dit à lui) : Si tu es Fils de Dieu…

De même quand Nicodème vient discuter théologie avec Jésus :

Jean 3.2 : Il vint de nuit trouver Jésus et lui dit (εἶπεν αὐτῷ : il dit à lui)… (Jérusalem) :

Mais dès que la discussion est engagée, l’évangéliste emploie πρὸς :

Jean 3.4 : Nicodème lui dit (λέγει πρὸς αὐτὸν : il dit vers lui) : « Comment un homme peut-il naître quand il est vieux ? »

Jean 6.5 : Jésus leva les yeux et vit qu’une grande foule venait à lui ; il dit à Philippe (πρὸς Φίλιππον) : Où achèterons-nous des pains… (NBS)

Luc 11.1 : Jésus priait un jour en un certain lieu. Lorsqu’il eut achevé, un de ses disciples lui dit (litt. dit vers lui, πρὸς αὐτὸν)

Luc 11.5, juste après le Notre Père : Il leur dit encore (litt. alors il dit vers eux : Καὶ εἶπεν πρὸς αὐτοὺς) : Qui d’entre vous aura un ami…

 

3. Dans le cadre d’une discussion animée, d’une mise en garde :

Luc 11.39 : Mais le Seigneur lui dit (πρὸς αὐτὸν) : Vous, les pharisiens, vous purifiez le dehors de la coupe et du plat, et à l’intérieur vous êtes pleins de rapacité et de méchanceté. Idem en 11.53 ; cf. 12.1.

Matthieu 3.13-14 : (πρὸς τὸν Ἰωάνην) (πρὸς με)

 

4. Dans la rencontre entre Jésus et les disciples d’Emmaüs :

Luc 24.17 : Il leur dit (πρὸς αὐτοὺς, idem vs. 18, 25, 44) : Quelles sont donc les paroles que vous vous lanciez entre vous (ἀντιβάλλετε πρὸς ἀλλήλους) en marchant ? Ils s’arrêtent consternés. (Chouraqui)

Luc 24.29 : Mais ils le pressèrent, en disant : Reste avec nous, car le soir approche (πρὸς ἑσπέραν ἐστὶν).

Luc 24.32 : Et ils se dirent l’un à l’autre (εἶπαν πρὸς ἀλλήλους) : Notre cœur ne brûlait-il pas au-dedans de nous, lorsqu’il nous parlait en chemin et nous expliquait les Écritures ?

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article