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Daniel 2.1La deuxième année de son règne[1], Nabuchodonosor fit des rêves. Il fut troublé, et le sommeil le quitta.

Daniel avait fini ses trois années de formation supérieure. Alors Yahveh lui fournit une occasion d’aider les Babyloniens, qui ignoraient la vérité sur Dieu et sur sa bonté. Dans le projet divin, les Hébreux devaient devenir des missionnaires, des porteurs de bonne nouvelle dont les lumières dissiperaient l’obscurantisme de leur époque. Mais ils avaient repoussé ou négligé leur Seigneur. Pourtant Yahveh allait maintenant contourner magistralement leur incrédulité.

Daniel 2.2-4Le roi fit appeler les magiciens, les astrologues, les sorciers et les Chaldéens, pour faire connaître au roi ses rêves. Ils vinrent et se tinrent devant le roi (Colombe). 3Le roi leur dit : J’ai fait un rêve, et je suis troublé, parce que je voudrais comprendre ce rêve. 4Les chaldéens répondirent au roi, en langue araméenne : O roi, puisses-tu vivre toujours ! Dis-nous le rêve, à nous, tes serviteurs, et nous en donnerons l’interprétation[2].

Nabuchodonosor était fier de son empire et de sa somptueuse capitale, Babylone. Son vœu était de les faire durer toujours. Cependant, comme tous les êtres humains, il savait que la mort l’attendait, à plus ou moins brève échéance. Que deviendrait son royaume alors ?

De part sa culture, il ignorait presque tout du véritable Souverain de l’univers. Il ne le connaissait que par l’intermédiaire des Judéens, les fidèles infidèles du Tout-Puissant. Or il avait été capable de les vaincre et de les déporter : personne ne pouvait donc lui reprocher de se considérer comme supérieur à leur Dieu.

Les descendants d’Israël s’estimaient supérieurs aux autres nations ; à leurs yeux, le salut de Yahveh leur était réservé. Pauvre Nabuchodonosor ! Prisonnier de sa culture mésopotamienne, il n’avait aucune chance d’amender sa mauvaise conduite, n’ayant pas accès à de meilleures informations. Mais Yahveh, lui, voyait l’honnêteté de son cœur.

Bien éduqué selon la sagesse de son temps, le monarque ignorait tout cependant de la sagesse céleste. Aussi fut-il profondément impressionné par ce rêve, au point d’en oublier les détails. Pourtant Dieu restait à l’œuvre : il préparait un moyen de rabattre l’orgueil des sages babyloniens. Ceux-ci affirmaient connaître la véritable science, mais, grâce à Daniel, leurs prétentions allaient être confrontées à la réalité. Soyons attentifs à la méthode divine employée ici.

La sagesse des Babyloniens n’était qu’une illusion. Certains sages prétendaient communiquer avec les défunts. D’autres affirmaient lire l’avenir dans le mouvement des astres. Cependant, dès que le roi leur soumettait un problème, ils lui posaient moult questions, adroitement tournées, afin de deviner le fond de sa pensée. Ils n’avaient plus ensuite qu’à inventer un réponse de leur cru, dans l’espoir de le satisfaire. Ils utilisèrent alors la même méthode.

Daniel 2.5-13Le roi répondit aux Chaldéens : Voici ce que j’ai décidé (ou : « La chose m’a échappé ») : si vous ne me faites pas connaître le rêve et son interprétation, vous serez mis en pièces, et vos maisons seront réduites en un tas d’immondices. 6Mais si vous me dites le rêve et son interprétation, vous recevrez de moi des dons, des présents et de grands honneurs. Aussi dites-moi le rêve et son interprétation. 7Ils répondirent pour la seconde fois : O roi, dis-nous le rêve, à nous, tes serviteurs, et nous en donnerons l’interprétation ! 8Le roi reprit : Je sais, en vérité, que vous voulez gagner du temps, parce que vous voyez ce que j’ai décidé. 9Si donc vous ne me faites pas connaître le rêve, il y aura une même sentence pour vous tous ; vous êtes prêts à me dire des paroles mensongères et erronées, en attendant que les temps changent. Aussi dites-moi le rêve, et je saurai que vous êtes capables de m’en donner l’interprétation. 10Les chaldéens répondirent au roi : Il n’est personne sur terre qui puisse faire ce que demande le roi. C’est pourquoi aucun roi, si grand et puissant soit-il, n’a exigé pareille chose d’aucun mage, envoûteur ou chaldéen. 11Ce que le roi demande est difficile, il n’y a personne d’autre qui puisse le dire au roi, sinon les dieux, dont la demeure n’est pas parmi les êtres charnels. 12Là-dessus le roi entra dans une violente colère. Il ordonna de faire disparaître tous les sages de Babylone. 13La sentence fut publiée ; les sages allaient être mis à mort, et l’on vint chercher Daniel et ses compagnons pour les mettre à mort.

Enfin, Nabuchodonosor sort de sa torpeur ! Il prend conscience de la supercherie. Il le sent : quelque être surnaturel essaye de lui communiquer un message important. Préoccupé par ce rêve, il ne trouve plus le repos depuis plusieurs jours. A présent il s’emporte contre ses conseillers. Ces « sages » n’ont-ils pas prétendu communiquer avec « les dieux, dont la demeure n’est pas parmi les êtres charnels » ? Or, voilà qu’ils avouent l’ignorance ordinaire commune à tous les humains ! Puisque le songe est d’origine surnaturelle, l’explication doit l’être également.

Ici, la sagesse de ce monde et la sagesse d’origine divine entrent en conflit. D’un côté, les sages les plus éminents de Babylone, instruits dans toutes les branches de la connaissance de leur époque. De l’autre, Daniel, un jeune sans prestige, originaire d’un peuple servile. Mais Daniel a été éduqué dans la connaissance du vrai Dieu.

Nous ne pouvons approuver la colère et la cruauté de Nabuchodonosor à l’égard de ses « sages ». Rappelons cependant qu’il s’agit d’un monarque absolu, furieux d’avoir été abusé par son entourage. Ses mobiles sont honnêtes.

Ce tableau des mœurs de l’époque est confirmé par l’histoire. Des auteurs tels qu’Hérodote (484-420 av. J.-C.) nous décrivent la barbarie des souverains du Moyen-Orient, des Assyriens et des Perses en particulier. L’écartèlement, supplice auquel Daniel fait allusion ici, est représenté sur des bas-reliefs assyriens ; il est même inclus dans les législations babyloniennes et assyriennes.

Pour les penseurs païens de l’époque, Dieu ne pouvait demeurer « parmi les êtres charnels ». La fin du verset 11 se lit d’ailleurs mot à mot : « dont la demeure avec la chair n’existe pas ». Au contraire, selon la Bible, cette demeure existe et est l’ouvrage divin[3]. Le Fils de Dieu « s’est vidé de lui-même en se faisant vraiment esclave » et « tout en lui montrait qu’il était bien un homme »[4]. « Dieu, en envoyant son propre Fils dans une condition semblable à la chair du péché, en rapport avec le péché, a condamné le péché dans la chair[5]. » « En effet, comme nous, il a été tenté en toutes choses, mais lui n’a pas péché[6]. » Toute sa vie, il a renoncé à l’autosatisfaction, afin d’accomplir les volontés de Celui qui l’avait envoyé, jusqu’à Gethsémané, jusqu’à la croix[7].

Les sages babyloniens, au contraire, ne croyaient pas possible un contact entre la divinité et « la chair ». Dans leur optique, le Fils de Dieu n’aurait pas pu revêtir notre humanité déchue, réceptive au mal. Il aurait dû être coupé génétiquement des hommes par quelque immaculée conception. Ses tentations ne seraient donc pas comparables aux nôtres et il ne pourrait pas nous sauver de nos péchés. Il devrait se contenter de nous sauver dans nos péchés.

Ces deux façons de définir les relations entre l’humanité et la divinité se côtoieront jusqu’à la fin du monde[8].

Daniel 2.14-18Alors Daniel parla d’une manière avisée et sensée à Ariok, chef des gardes du roi, qui était sorti pour mettre à mort les sages de Babylone. 15Il dit à Ariok, commandant du roi : Pourquoi la sentence du roi est-elle si sévère ? Ariok exposa la chose à Daniel. 16Alors Daniel se rendit auprès du roi et le pria de lui accorder un délai pour donner au roi l’interprétation. 17Puis Daniel rentra chez lui et fit connaître l’affaire à Hanania, Micaël et Azaria, ses compagnons, 18pour implorer la compassion du Dieu du ciel au sujet de ce mystère, afin qu’on ne fasse pas disparaître Daniel et ses compagnons avec le reste des sages de Babylone.

Ne l’oublions pas, à la fin de ses trois années d’études supérieures, Daniel avait reçu toutes les félicitations du jury ; il avait été reconnu, à l’unanimité, « dix fois supérieur » aux autres candidats. Pourtant, il sollicite humblement les conseils divins et ne s’en cache pas à ses amis, auxquels il demande de prier avec lui et pour lui. La véritable éducation ne rend personne orgueilleux.

Apparemment le roi n’avait pas jugé bon de convoquer les Hébreux avec les autres sages de Babylone. S’il l’avait fait, les prétentions de ces hommes n’auraient pu être démasquées. Daniel a pu alors se rappeler cette promesse tirée d’un Psaume de David : « Les secrets du Seigneur sont pour ceux qui le craignent, pour leur faire connaître son alliance. » (Psaume 25.14) Il a pu aussi se souvenir du proverbe de Salomon : « Ne crains ni la frayeur soudaine, ni la tourmente des méchants, quand elle arrive ; car le Seigneur sera ton assurance, il préservera tes pieds de tout piège. » (Proverbes 3.25-26) Daniel, dans ce moment critique, choisit de croire les bonnes nouvelles, c’est-à-dire les promesses de Yahveh. C’est pourquoi il fait partie des héros bibliques qui ont plu à Dieu parce qu’ils ont pris ses paroles au sérieux (voir Hébreux 11.6, 32-33).

Daniel 2.19-23Alors le mystère fut révélé à Daniel dans une vision, pendant la nuit. Alors Daniel bénit le Dieu du ciel. 20Daniel dit : Béni soit le nom de Dieu, depuis toujours et pour toujours ! 21A lui sont la sagesse et la force. C’est lui qui change les temps et les circonstances, qui renverse les rois et qui établit les rois, qui donne la sagesse aux sages et la connaissance à ceux qui ont de l’intelligence. 22C’est lui qui révèle ce qui est profond et caché, qui connaît ce qui est dans les ténèbres, et la lumière demeure avec lui. 23Dieu de mes pères, je te célèbre et je te loue pour la sagesse et la force que tu m’as données, car tu m’as fait connaître ce que nous t’avons demandé, et tu nous as fait connaître l’affaire du roi !

L’assurance de Daniel est impressionnante. Convaincu que Yahveh lui a révélé le songe du roi, il remercie avec enthousiasme son Dieu pour cette révélation, avant tout entretien avec le monarque. Il ne se présentera pas devant le souverain avec timidité, lui demandant si la vision qu’il a reçue correspond bien à son rêve. Sa confiance en Dieu lui autorise toutes les audaces. Nous aussi, lorsque nous parlons au Tout-Puissant, remercions-le pour ce qu’il a accompli en notre faveur par pure bonté.

Daniel, d’autre part, voit dans cette révélation une réponse aux prières de ses amis, autant qu’à la sienne. Il ne s’en attribue pas tout le mérite. Aujourd’hui de même, un croyant authentique accordera toujours aux autres le crédit auquel ils ont droit.

Remarquons avec quelle emphase Daniel attribue au Dieu créateur seul la source de toute sagesse. Dans cette affaire, Daniel n’a rien utilisé ici de ses connaissances en magie ou en astrologie. Ces croyances, parfois populaires, font parties en effet des « pseudo-sciences », mentionnées par l’apôtre Paul (1 Timothée 6.20). Elles reflètent à la fois l’ignorance des gens de l’Antiquité et celle de nos contemporains. Le livre de Daniel est encore d’actualité !

Daniel 2.24-25Là-dessus, Daniel entra chez Aryok, que le roi avait chargé de faire périr les sages de Babylone ; il alla et lui parla ainsi : « Ne fais pas périr les sages de Babylone ! Introduis-moi en présence du roi, et j’exposerai l’interprétation au roi. » 25Alors Aryok, en hâte, introduisit Daniel en présence du roi et lui parla ainsi : « J’ai trouvé un homme, parmi les déportés de Juda, qui fera connaître l’interprétation au roi. »

Daniel demande au roi d’avoir pitié des piètres sages babyloniens. Quelle grandeur d’âme ! C’est au contact de Dieu qu’il a appris à faire preuve de miséricorde envers ceux qui ne le méritent pas. Daniel espère sans doute qu’il se trouvera parmi eux quelques hommes qui écouteront avec intérêt l’explication du rêve et apprendront ainsi quel salut Yahveh peut leur offrir. Grâce à Daniel, un collaborateur du Créateur, les mages de Babylone ont la vie sauve. Déjà à l’époque des patriarches, Dieu travaillait de cette façon : Lot échappa à la destruction de Sodome, grâce à l’intercession de son oncle Abraham (voir Genèse 18.26-32). Aujourd’hui encore, Dieu épargne beaucoup de gens à cause de la présence de quelques « justes » parmi eux.

Daniel 2.26-30Le roi demanda à Daniel, qu’on nommait Belteshatsar : Es-tu capable de me faire connaître le rêve que j’ai vu et son interprétation ? 27Daniel répondit, devant le roi : Le mystère que le roi demande, ce ne sont pas les sages, les envoûteurs, les mages et les devins qui sont capables de le dire au roi ; 28mais il y a dans le ciel un Dieu qui révèle les mystères, et qui a fait connaître au roi Nabuchodonosor ce qui arrivera dans la suite des temps[9]. Voici ton rêve, les visions que tu as eues sur ton lit. 29Sur ton lit, ô roi, il t’est venu des pensées concernant ce qui arrivera dans la suite ; et le révélateur des mystères t’a fait connaître ce qui arrivera. 30Si ce mystère m’a été révélé, ce n’est pas qu’il y ait en moi une sagesse supérieure à celle de tous les vivants, mais c’est afin que l’interprétation soit donnée au roi, et que tu connaisses les pensées de ton cœur.

« Il t’est venu des pensées » : le souverain de Babylone se préoccupe de l’avenir. Dieu lui répond par un songe et lui révèle « ce qui doit arriver à la fin des jours » (2.28, Jérusalem). Il ne s’agit pas d’histoire ancienne seulement, mais ce rêve concerne aussi notre époque. Cette vision est plus d’actualité encore que les magazines en vogue.

Daniel se présente comme un simple serviteur de Yahveh : il ne s’attribue aucun mérite dans l’explication du songe, mais il en donne tout le crédit à Dieu. Que le roi aussi apprenne à croire au vrai Dieu, voilà ce qui le motive. Dès le début de ses déclarations, il s’efface pour attirer l’attention de son auditoire, probablement nombreux, sur le Dieu du ciel. Enfin, Yahveh a trouvé à Babylone un jeune sur lequel il peut compter !

Puis Daniel décrit le rêve et en donne l’explication. Le roi l’écoute captivé, anxieux mais plein d’espoir.